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TOPIC « Ne pas créer une classe de sous-travailleurs » Salariat en progression D’après un rapport conjoint publié en mars 2015 par Actiris, Bruxelles Formation et le VDAB, l'évolution de l'emploi salarié entre 2008 et 2012 indique une légère croissance à Bruxelles (+ 0,8 %), de niveau inférieur à ce qui s'observe en périphérie (+ 2,0 %) ou à l'échelle belge (+ 1,4 %). En région bruxelloise, la croissance de l’emploi salarié se situe surtout du côté des services administratifs et de soutien, générateurs d'emplois moins qualifiés (+ 16.700 postes, plus particulièrement dans le nettoyage, notamment dans le cadre des titres-services). D’autres secteurs à qualifications plus élevées voient également leur nombre d'emplois salariés progresser (administration publique, activités spécialisées scientifiques et techniques, immobilier). Fait notable, l’emploi salarié s’est maintenu en dépit de la crise financière, qui a durement frappé le secteur bancaire (- 5.900 emplois en région bruxelloise). Les secteurs de l’action sociale et des TIC ont également reculé de quelques milliers d’emplois. Dans son récent livret L’entreprise, je veux savoir, l’Union wallonne des entreprises (UWE) tordait également le cou à un supposé recul du salariat : entre 2003 et 2013, l’emploi total salarié en Wallonie a progressé à un taux annuel moyen de 1,6 % (hors administrations publiques), alors que, chez les indépendants, la croissance annuelle de l’emploi n’était que de 0,5 %. En dix ans, plus de 100.000 emplois salariés nets ont ainsi été créés en Wallonie. En Flandre, l’écart se réduit entre croissance de l’emploi salarié et « indépendant », mais le premier (1,2 % par an) devance toujours le second (0,8 %). Bruxelles, plus « indépendante » Si l’emploi salarié fait mieux que se maintenir et continue même, pour l’ensemble du pays, de croître plus vite que l’emploi indépendant, ceci ne doit pas occulter une réalité bruxelloise sensiblement différente. En effet, en Région bruxelloise – en plein boom démographique, faut-il le rappeler – l’emploi indépendant est occupé à prendre le salariat de vitesse. Toujours selon le rapport Actiris/Bruxelles Formation/VDAB, l'emploi indépendant a crû de près de 10 % entre 2008 et 2012, contre 4,9 % pour l’ensemble de la Belgique. À l'exception du commerce, dont l'emploi indépendant affiche une tendance structurelle à la baisse (sauf pour le commerce automobile), l'emploi indépendant a crû dans la plupart des secteurs. « En particulier, dans les secteurs dits ‘moins qualifiés’, la progression importante de l'emploi Évolution du nombre d’indépendants assujettis à Bruxelles 2011 A titre principal A titre complémentaire Actifs après la pension TOTAL Source : INASTI 20 BECI - Bruxelles métropole - octobre 2015 2012 2013 2015 70.388 74.039 75.150 77.496 13.288 13.777 14.273 14.523 5.691 6.108 6.449 6.753 89.366 93.924 95.872 98.772 Philippe Ledent Entrepreneur multi-facettes, fondateur de Challenge (structure spécialisée dans l’accompagnement d’entrepreneurs débutants) et membre du Conseil Supérieur des Indépendants et des PME, Philippe Ledent est bien placé pour prendre le pouls des indépendants. Et il constate pas mal de signaux positifs : « Un mouvement de rattrapage est en train de s’opérer, aidé par le fait que la protection sociale de l’indépendant se rapproche lentement de celle du salarié, sur le plan de la pension notamment. » De plus en plus de travailleurs optent pour le statut d’indépendant par opportunisme, parce qu’ils ont envie de changer de vie et/ou parce qu’ils veulent travailler en toute autonomie. « Les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail sont globalement plus attirées par l’entrepreneuriat. Le développement de nouveaux modes de financement, comme le crowdfunding, est également un signal positif. » Par ailleurs, l’ère de la carrière linéaire est révolue. « En Wallonie, 50 % des nouveaux indépendants le sont à titre complémentaire. Un nombre croissant de personnes vont cumuler plusieurs statuts », épingle Philippe Ledent. Salariat et travail indépendant, plutôt que de s’opposer, sont donc peut-être appelés à cohabiter. Par choix… ou par nécessité. Et l’entrepreneur-coach de souligner une autre évolution, plus préoccupante, du travail indépendant. Ce que l’on appelle communément l’entrepreneuriat de nécessité. Ce dernier est de plus en plus présent chez les plus de 50 ans. « Pour certains qui n’ont plus droit au chômage, créer son entreprise est la seule issue. » Tenter sa chance comme indépendant est également souvent la seule possibilité pour les allochtones qui débarquent dans notre pays, singulièrement à Bruxelles. « Le risque, que l’on perçoit aussi à travers la percée de nouvelles plateformes internet, est de créer une nouvelle classe de sous-travailleurs qui, en plus d’être sous-protégés, génèrent une concurrence déloyale. » L’enjeu, pour la vitalité économique d’une région, est de faire en sorte que l’entrepreneuriat de nécessité devienne un entrepreneuriat d’opportunité. « Outre la formation et l’accompagnement à la gestion, un point essentiel consiste à sortir les indépendants de leur isolement et aider ceux qui en ont l’opportunité à réaliser leurs premiers recrutements. » Pour que l’indépendant devienne véritablement un chef d’entreprise. © Kévin Manand

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