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Le livre blanc de la DIVERSITÉ DIVERSITY MEANS PERFORMANCE

BECI | livre blanc diversité Avant-propos La diversité est souvent invoquée par les pouvoirs publics pour qu’elle se concrétise, se réalise, se développe. À ce sujet, la dernière déclaration de politique régionale proposait des mesures pour la favoriser, en intégrant comme groupe cible les personnes issues des quartiers socio-économiquement défavorisés. Mais cette approche politique explique en ellemême pourquoi la diversité ne se développe pas suffisamment : une carte mentale différente. En effet, la culture économique n’est pas la culture politique. Chacune a ses valeurs, ses normes, son alphabet qui demande une approche spécifique. La culture d’entreprise est orientée vers la recherche de performance économique ; c’est une valeur forte qui crée aujourd’hui deux tiers des emplois à Bruxelles. Aussi, pour développer la diversité, il faut la comprendre. Sortir de sa carte mentale pour approcher celle de l’autre qui va immanquablement élargir la nôtre. Les entreprises qui ont approché la diversité en ont trouvé la valeur ajouté, à la fois humaine et économique. Car les chiffres de ces entreprises le montrent : mixer les équipes, tant en termes de genre que d’âge, de culture, de handicap… booste les chiffres d’affaires. Chaque forme de diversité apporte sa propre spécificité, différente mais complémentaire et, en soi, elle devient une richesse tant sur le plan humain qu’économique. Les jeunes apportent l’innovation, les plus âgés l’expérience ; les personnes d’ascendance étrangère apportent de la créativité, de par une carte mentale bi-culturelle ; les équipes managériales mixtes en termes de genre se complètent par leur approche différente mais complémentaire des situations ; les personnes en situation de handicap ont parfois développé des atouts que n’ont pas les personnes sans handicap. De plus, avoir des équipes qui représentent sa clientèle permet aussi de mieux la comprendre et donc de mieux l’approcher. Le potentiel économique en devient meilleur. La diversité, pour autant qu’elle soit bien managée, est donc facteur de réussite. Certaines entreprises sont avant-gardistes à ce sujet. Les suivrons-nous ? Thierry Willemarck Président de BECI 1

Le Livre blanc de la Diversité : Diversity Means Performance EDITEUR RESPONSABLE Olivier Willocx ow@beci.be Avenue Louise 500 1050 BRUXELLES COMITÉ DE RÉDACTION Olivier Willocx, Jan De Brabanter, Xavier Dehan, Hayate El Aachouche, Bouchra El Mkhoust. En collaboration avec : Souad Razzouk, La Magie des Cultures asbl. Commission Diversité BECI PRODUCTION Media Coordinator : Emmanuel Robert – er@beci.be Graphisme : Isabelle André Impression : DB Group Traduction : Data Translation Photos : Reporters, sauf indication contraire Septembre 2015 Cette publication est également disponible en néerlandais. Nos remerciements vont tout particulièrement aux administrateurs de BECI, premiers lecteurs attentifs du Livre blanc ainsi qu’aux secteurs professionnels qui ont pu contribuer par leurs apports critiques à cette étude. 4.3. Discrimination et ascendance étrangère 4.3.1. L’ascendance sur le marché de l’emploi 4.3.2. Les mesures publiques 4.3.3. Interview : Jean-Claude Daoust (société Daoust) 4.4. Discrimination et handicap 4.4.1. Le handicap sur le marché de l’emploi 4.4.2. Les mesures publiques 4.4.3. Interview: Andrea Leponce (societe Exki) 23 24 27 28 31 31 32 33 I. Introduction II. Méthodologie III. L’emploi en région bruxelloise IV. La discrimination sur le marché de l’emploi 4.1. Discrimination et genre 4.1.1. Le genre sur le marché de l’emploi 4.1.2. Les mesures publiques 4.1.3. Interview : Els Overbergh (société Microsoft) 4.2. Discrimination et âge 4.2.1. L’âge sur le marché de l’emploi 4.2.2. Les mesures publiques 4.2.3. Interview : Katleen Beyens (societe Sodexo) 8 9 10 12 12 13 15 16 19 20 21 22 Table des matières 2

BECI | livre blanc diversité V. L’enseignement : socle de l’inégalité 34 VI. Les entreprises : entre questionnements et ajustements VII. Déconstruire la discrimination pour constuire la diversité 7.1. Genèse 7.2. Les atouts de la diversité 7.3. Les bonnes pratiques VIII. La diversité dans le monde 8.1. La mise en place d’une législation spécifique 8.2. Les clauses sociales dans les contrats publics 8.3. Les interventions ciblées 8.4. Les emplois subsidiés 8.5. Les autres facteurs de réussite 8.6. Quelles mises en pratique pour bruxelles ? IX. Recommandations 9.1. La diversité par tous 9.2. Enseignement & qualifications 9.3. Formations & actions positives 9.4. Mesures emploi 9.5. Mobilité professionnelle inter-régionale X. Conclusion générale XI. Références 36 38 38 40 41 44 44 46 47 48 49 49 50 50 51 51 51 52 53 56 3

Executive summary La diversité sur le marché de l’emploi concerne tous les groupes de la population en âge de travailler qui ne sont pas proportionnellement représentés sur le marché du travail 1 et/ ou qui ne sont pas proportionnellement représentés à tous les échelons de l’entreprise. Bien que de nombreuses caractéristiques soient concernées par la diversité, ce Livre blanc se concentre sur quatre axes principaux : le genre, l’âge, l’ascendance étrangère et le handicap. Depuis des décennies, de nombreuses études publiques et académiques ont souligné des différences significatives sur le marché de l’emploi. Ces différences ont imposé la diversité parmi les priorités des pouvoirs publics. Pour la déployer, des initiatives directes et indirectes ont été prises. Toutes les aides à l’emploi, actuelles et généralistes, sont des mesures indirectes, visant à promouvoir la diversité sur le marché de l’emploi. Mais les charges sur le travail continuent d’être lourdes pour les entreprises et, en soi, elles constituent un frein au déploiement de l’emploi en général et donc de la diversité. Par ailleurs, en amont, d’autres paramètres institutionnels freinent son développement. Il s’agit notamment des institutions publiques créatrices d’inégalité, à savoir l’enseignement qui, de par son organisation, ses ressources, ses politiques, produit des taux d’échec scolaires massifs. Aujourd’hui, près de la moitié des demandeurs d’emploi en RBC (46 %) ne disposent pas d’un diplôme de l’enseignement supérieur : un quart (25 %) des demandeurs d’emploi n’ont pas terminé le cycle de l’enseignement secondaire et 20% ont comme plus haut diplôme celui du secondaire supérieur. Les chiffres montrent que l’hémorragie ne s’arrête pas. Aujourd’hui, près de 50 % des jeunes demandeurs d’emploi inoccupés n’ont pas, non plus, terminé leur cycle de Cette réalité est en tension avec le marché de l’emploi bruxellois où près de 60 % des emplois (56,1 %)3 diplôme de l’enseignement supérieur ou universitaire. exigent un Dans les deux autres Régions, le marché de l’emploi manifeste plus de besoins en qualification basse et intermédiaire. Les besoins en diplômés de l’enseignement supérieur ou universitaire n’est « que » de 38,5 % en Région Flamande et 37,8% en Région Wallonne.4 C’est pourquoi Beci recommande, outre les différentes solutions développées dans cette publication, d’également développer la mobilité interrégionale des travailleurs. Car aujourd’hui, on voit qu’il y a une forte mobilité vers Bruxelles (plus de la moitié des emplois bruxellois sont occupés par des non bruxellois) mais c’est moins proportionnel dans l’autre sens. Outre ces paramètres institutionnels, les analyses développées ci-après montrent que la diversité est source de performance économique. Elle développe les chiffres d’affaires : une étude menée en France montre que 31 % des entreprises se sont engagées en diversité pour améliorer leur performance économique.5 l’enseignement secondaire : 49,6 % sont faiblement qualifiés chez les moins de 25 ans et 26,7 % chez les 25-29 ans2 . I. Constats 1. Le genre Les données en matière de genre montrent des différences non pas en termes d’accès à l’emploi mais surtout en terme d’évolution professionnelle. Les postes à responsabilité continuent d’être globalement portés par les hommes et les causes sont multiples : des habitudes de recrutement stéréotypées, des femmes qui avancent à reculons vers des postes à responsabilité… 1. Décret du Conseil Flamand du 8 mai 2002 relatif à la participation proportionnelle sur le marché de l’emploi 2. Observatoire Bruxellois de l’emploi.2013. Jeunes dans la précarité. La position des jeunes adultes vis-à-vis du marché de l’emploi en RBC. Bruxelles. p.11 3. Observatoire Bruxelloise de l’emploi.Mars 2015. Focus : Quelles perspectives d’emploi pour les hautement qualifiés à Bruxelles ? 4. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles.p.15 5. INERGIE. Bilan diversité 2014. Site web sur INTERNET. < http://www.inergie.com/bilan-diversite-2014>. Dernière consultation : le 05-03-2014. 6. Ibidem. p.12 4

BECI | livre blanc diversité CONSTATS • Un plafond de verre qui résiste, • Un écart salarial entre 10 et 22 %, • Cumuler d’autres caractéristiques (l’ascendance, l’âge, le handicap,…) augmente les difficultés. 2. L’âge Les données montrent que les probabilités de sortir de l’emploi diminuent avec l’âge.6 Les jeunes rencontrent des difficultés de par leur manque de qualifications ou d’expérience mais les personnes à partir de 45 ans rencontrent des difficultés structurelles indépendamment de leurs niveaux de qualifications ou d’études. A Bruxelles, près d’un tiers des inscrits chez Actiris (30 %) ont plus de 45 ans. CONSTATS • A partir de 45 ans, des difficultés structurelles d’accès à l’emploi, • Des charges financières lourdes pour les entreprises pour les publics plus âgés, • Sur les dix dernières années, le nombre de demandeurs d’emploi âgés de + de 50 ans a triplé. 3. L’ascendance étrangère Depuis plus de 20 ans, les chercheurs ont étudié les différences significatives sur le marché de l’emploi entre les personnes d’origine étrangère et les personnes d’origine belge. Les dernières études des pouvoirs publics ont re-confirmé des différences significatives CONSTATS • A Bruxelles : 25,5 % des Bruxellois de 18 à 60 ans sont d’origine belge et 65,9 % d’origine étrangère (soit de nationalité étrangère, soit nés avec une nationalité étrangère, soit dont un des parents est né avec une nationalité étrangère). • Taux d’emploi : - 74 % chez les personnes d’origine belge, - Entre 38 et 53 % chez les personnes d’origine étrangère. • Symptômes de discrimination sur le marché de l’emploi - Ethnostratification horizontale : des différences dans l’accès à l’emploi, - Ethnostratification verticale : des différences dans l’évolution professionnelle. 4. Le handicap Les personnes porteuses d’un handicap peuvent l’être de naissance ou le devenir en cours de vie (maladie dégénérative, accident de la route…). Ce sont la méconnaissance des différentes formes de handicap et les a priori (manque de rentabilité, surcroit de travail…) qui freinent leur accès à l’emploi. II. Déconstruire la discrimination pour construire la diversité 2.1. Genèse Pour comprendre la discrimination, il y a lieu de distinguer les facteurs exogènes et les facteurs endogènes. Les causes exogènes : Elles sont de deux sortes : • Les facteurs institutionnels qui participent au manque de diversité (l’enseignement…) • Les facteurs sociaux qui construisent les stéréotypes, les préjugés et les schémas psychologiques dans l’ensemble de la société. Ces derniers se développent et se maintiennent notamment à travers des mécanismes sociaux de valorisation et dévalorisation : - La valorisation masculine du pouvoir, la féminisation et la masculinisation des métiers… - Pour l’âge, il s’agit aussi de l’inversement des rôles « naturels » dans le sens où les individus, de par le cycle de vie, ont été habitués à avoir des personnes plus âgées qui les guident (parents, professeurs…). Dans la vie professionnelle, il arrive souvent que les personnes plus jeunes soient hiérarchiquement au-dessus des personnes plus matures. L’inconfort s’installe des deux côté, entraînant des difficultés d’engagement ou des licenciements plus nombreux. - La valorisation sociale des différences culturelles est trop souvent absente dans les canaux de communication, y compris médiatiques. L’adage « L’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt entière qui pousse » est particulièrement vrai en ce qui concerne les personnes d’ascendance étrangère. Et les arbres qui tombent nourrissent de manière disproportionnée les préjugés envers ces personnes. - De même, en ce qui concerne le handicap, la Belgique CONSTATS • En Belgique, le taux d’emploi des personnes sans handicap est de 66,4 % contre 40,7 % chez les personnes avec un handicap. • Dans 80 % des cas, le handicap survient dans le courant de la vie. • 41 % : le nombre de personnes handicapées belges inactives qui s’estiment aptes à travailler. 5

est encore dans une approche trop souvent médicalisée, comme l’ont souligné les Nations Unies dans leur dernier rapport d’octobre 2014. Cette approche, qui ne se justifie pas toujours, participe à créer un stéréotype de « care » envers ces personnes. Or, ces personnes sont tout autant capables de se mouvoir dans la vie, y compris professionnelle. Elles se sont même, en général, sur-adaptées au monde. Les causes endogènes : Les causes endogènes sont l’inscription au niveau individuel de ces facteurs sociaux qui deviennent des « habitus », « extraordinairement ordinaires », qui sont : « un ensemble de dispositions durables, acquises, qui consiste en catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales. Acquis au cours de la prime éducation et des premières expériences sociales, il reflète aussi la trajectoire et les expériences ultérieures : l’habitus résulte d’une incorporation progressive des structures sociales. C’est ce qui explique que, placés dans des conditions similaires, les agents aient la même vision du monde… »7 Les habitus s’exercent « comme par magie, en dehors de toute contrainte physique ; mais cette magie n’opère qu’en s’appuyant sur des dispositions déposées, tels des ressorts, au plus profond des corps.»8 Aussi, pour réussir la diversité, il y a lieu de travailler dans tous les champs humains (social, politique, économique, médiatique…) pour dépasser les stéréotypes et pas uniquement sur le marché de l’emploi. Car les habitus peuvent se transformer, et ce par les mêmes voies que leurs inscriptions : l’inculcation et l’incorporation. Le travail d’inculcation peut se faire par la voie pédagogique que ce soit à travers le parcours scolaire ou le parcours professionnel (à travers des séminaires, des formations,…) qui vont déconstruire les schèmes de perception, d’appréciation et d’action. Le véhiculement des préjugés et stéréotypes négatifs par les médias, qui participent à la construction d’habitus, doit également être profondément pensée. C’est également par l’incorporation que les « habitus » se construisent, c’est par l’incorporation qu’ils peuvent se déconstruire. Aussi, une incorporation de la diversité dans la structure même des entreprises, avec un accompagnement adéquat, contribue à construire des habitus positifs en diversité. Cela peut se faire notamment à travers des « actions positives » au niveau des ressources humaines dont différents exemples ont été développés dans cette publication. 2.2. Les atouts de la diversité Si la diversité est une question d’égalité et d’éthique, elle est aussi une réponse économique. Car les entreprises engagées en diversité ont compris le potentiel économique et ont pu découvrir que la diversité améliore leurs performances économiques. Ces performances économiques sont dues à plusieurs méthodes : 2.2.1. Le développement des ressources humaines Développer la diversité au sein des ressources humaines, c’est disposer d’une multitude de talents qui vont amplifier les résultats, car chaque forme de diversité apporte sa particularité qui bonifie l’ensemble. En ayant du personnel aux potentiels différents, les entreprises sortent notamment des schèmes de « pensée unique » et monolithique qui rigidifient le développement de l’entreprise. • Le genre Les études qui démontrent la corrélation entre des équipes managériales féminisées et des bilans financiers bonifiés ne se comptent plus. Citons notamment celle de la banque Credit Suisse : « Les entreprises comptant + de 15 % de femmes à la direction générale ont dégagé un retour sur fonds propres moyens de 14,7 % contre seulement 9,7 % pour les compagnies en comptant moins de 10 %. »9 Ces performances sont notamment dues au fait que l’entreprise bénéficie d’atouts managériaux différents mais complémentaires en termes de genre. • L’âge : Investir dans l’âge, c’est disposer d’un capital savoir bonifiant pour l’entreprise. En effet, un collaborateur âgé possède ce que les diplômes n’apportent pas : l’expérience. Elle donne un capital de ressources pour développer des projets : un travailleur âgé en a déjà beaucoup développé ou en a vu beaucoup se développer. Il sait, d’expérience, ce qui marche ou moins bien. Il a par ailleurs assisté à une multitude de situations à résoudre et trouvera donc rapidement des solutions à des problèmes de terrain. L’entreprise bénéficie ainsi d’un gain de temps considérable. Il a été constaté qu’il faut en moyenne 14 mois à un senior pour transmettre tout son savoir à un jeune. Ce sont 14 mois de « capital savoir » dont l’entreprise bénéficie en engageant un senior. De plus, il a été démontré que les collaborateurs seniors ont une meilleure résistance au stress: leur vécu les rend moins émotifs en cas de difficultés. Ce qui est particulièrement intéressant lorsqu’on sait que la résistance au stress influe sur la rapidité d’exécution mais aussi sur l’absentéisme. • L’ascendance étrangère Les personnes d’ascendance étrangère ont généralement des schèmes de pensée bi-culturels. Une carte mentale élargie qui apporte créativité et innovation à l’entreprise. De plus, disposer d’un personnel qui parle d’autres langues que les langues nationales permet, en cas de besoin, de mieux accueillir et servir la clientèle. Le dernier Taalbarometer montre le top 8 des langues parlées à Bruxelles, par ordre d’importance : français, anglais, néerlandais, arabe, espagnol, allemand, italien et turc. Disposer de collaborateurs qui parlent d’autres langues, en plus des langues nationales, c’est pouvoir offrir des interactions de qualité à la clientèle surtout parmi les personnes matures qui n’ont pas suivi les cursus scolaires en Belgique. • Le handicap Contrairement à ce qui est véhiculé par les stéréotypes, les personnes en situation de handicap, moyennant les adaptations nécessaires, ont une performance égale à une personne sans handicap. Ces personnes ont, par ailleurs, développé d’autres qualités (selon la forme du handicap) que les personnes sans handicap n’ont pas. Elles sont, par exemple, plus souvent conscientes des problèmes de sécurité au travail et ont une faculté de prévention très développée. 6

BECI | livre blanc diversité certaines organisations (PME notamment) ne peuvent se permettre ce coût. Et d’autre part, certaines entreprises ont des collaborateurs seniors dont les talents ne sont pas totalement exploités. Cette plate-forme réunit les entreprises demandeuses de talents seniors et les entreprises les comptant parmi leurs effectifs. Les collaborateurs seniors de ces dernières, peuvent, s’ils le souhaitent, avoir des missions externes auprès d’autres entreprises. 2.2.2. Mieux toucher la clientèle Avoir des collaborateurs qui ressemblent à la clientèle (en termes de genre, d’âges, de culture…) permet de mieux la comprendre et donc de mieux répondre à ses besoins. A Bruxelles, la clientèle est composée comme telle : - 35 % de la population a plus de 45 ans - 65,9 % de la population bruxelloise de 18 à 60 ans est d’origine étrangère (soit de nationalité étrangère, soit né avec une nationalité étrangère soit dont un des parents est né avec une nationalité étrangère). - En Belgique, plus de 10 % de la population entre 15 et 64 ans est porteuse d’un handicap ou d’une maladie chronique. La clientèle est la principale source économique. Aussi disposer de tous les talents en interne permet d’être en adéquation avec le potentiel bruxellois. 2.2.3. Éliminer le risque réputationnel Il ressort des études que la discrimination n’est pas forcément visible ni intentionnelle puisqu’elle est construite, pour une part, à partir d’habitus : des schèmes de perception, d’appréciation et d’action, socialement construits chez chaque individu, et qui « dirigent » les comportements de recrutement. Or, en cas de plainte pour discrimination, les coûts directs et indirects peuvent être conséquents car la charge de la preuve est aujourd’hui, selon la loi, du côté de l’employeur qui doit prouver la non-discrimination. Les coûts sont à la fois ceux liés au procès, aux dédommagements éventuels mais également ceux liés à une réputation négative qui peuvent être durables et conséquents. Le risque réputationnel est donc important et nécessite des actions de prévention ciblées. 2.3. Quelques bonnes pratiques Diversité et genre : programme d’assertivité Dans beaucoup d’entreprises, le personnel féminin bénéficie de programmes d’assertivité. Ces programmes, outre leurs effets positifs en termes de comportements et de communication, ont également un impact sur l’auto-discrimination du personnel féminin. En effet, il est communément admis que les femmes développent des comportements d’auto-discrimination par rapport aux fonctions à responsabilité. Ces programmes d’assertivité amènent les femmes à se positionner différemment et donc à être vues différemment. Par ce fait, un changement naturel et subtil se passe à l’intérieur de l’entreprise, qui mène les femmes vers des postes à responsabilité. Diversité et âge : experience@work Il s’agit d’une plate-forme où les collaborateurs seniors sont, en partie, employés à l’extérieur de l’entreprise. L’expertise des collaborateurs seniors est connue. Pourtant, III. Conclusion Les entreprises ayant développé la diversité en ont découvert la richesse humaine et économique. Et pour que la diversité puisse se développer entièrement, il y lieu d’agir dans tous les champs en étant particulièrement attentif à plusieurs axes : - L’enseignement et l’emploi des langues - Les formations RH en diversité - La mobilité inter-régionale des travailleurs - Les charges sur le travail - L’appropriation de la diversité par chaque ministre dans ses matières. Nul doute que cette appropriation globale sera une réussite pour tous : les entreprises, les demandeurs d’emploi, les travailleurs et les pouvoirs publics. Un contrat de services est ensuite conclu dont la durée est variable : mission courte, moyenne ou à durée indéterminée… Le bénéficie est pour tout le monde : les seniors se ressourcent au soir de leur carrière, les petites organisations bénéficient d’un capital savoir à un coût abordable... Diversité et ascendance étrangère : le management interculturel Si, de manière générale, la diversité nécessite d’être bien managée pour être réussie, c’est particulièrement vrai dans le cadre de la gestion interculturelle. Les entreprises ayant développé le management interculturel ont formé leurs cadres dans ce sens. Ils disposent ainsi de différentes clefs de lecture des comportements culturels et, par ces clefs, créent une homéostasie porteuse de performance. Car les comportements sont socialement construits et sont issus de normes, de valeurs et de croyances différentes ; de même que leurs interprétations. C’est pourquoi peuvent naître des malentendus ou des incompréhensions qui peuvent être dépassés en ayant les outils nécessaires. Diversité et handicap : un stylo pour parler Les aménagements raisonnables sont nombreux et ont différentes formes : matériaux, humains… Un aménagement humain, pour une bonne collaboration avec un collaborateur malentendant, est l’instauration d’un stylo levé lors des réunions. Un seul stylo est d’application lors de ces réunions et ne parle que celui qui l’a. Cela permet au collaborateur malentendant de voir qui parle et de pouvoir lire sur les lèvres. Outre un meilleur échange pendant les réunions, le système amène naturellement des temps de réunion plus courts car l’ensemble des personnes vont à l’essentiel de ce qu’ils doivent exprimer. Le résultat bonifiant est un gain de temps pour tous. 7. Anne-Catherine Wagner, « Habitus », Sociologie [En ligne], Les 100 mots de la sociologie, mis en ligne le 01 mars 2012, consulté le 15 juillet 2014. URL : http://sociologie.revues.org/1200 8 Ibidem. • 9.LAUWERS, Michel. Les femmes managers rapportent toujours plus gros. L’Echo. Samedi 10 janvier 2015 7

I. Introduction Le choix d’un Livre blanc de la Diversité est l’aboutissement d’un long processus de réflexion. Le but étant de développer la diversité sur le marché de l’emploi, à l’instar de son développement démographique, de manière naturelle et positive en sortant des positions caricaturales à tous les niveaux. Les pouvoirs publics, les entreprises, les chercheurs d’emploi, étaient demandeurs d’un processus visant à développer des outils positifs, respectueux et adaptés à la fois aux entreprises et aux demandeurs d’emploi. Le défi n’était pas simple : plusieurs difficultés se sont invitées tout au long du processus. La première était de saisir une réalité difficilement appréhendable dans sa globalité. Entre ses définitions juridiques, sa réalité sociologique, sa réalité démographique et géographique, sa réalité humaine… il a fallu trouver la sève commune et un cadre concret. Les premières consultations avec les entreprises et des experts de la diversité ont permis de dégager des premières pistes. Le Livre blanc devait pouvoir montrer les difficultés les plus importantes avec des pistes d’action concrètes et réalisables à la fois par les acteurs économiques et politiques. Aussi, bien que les discriminations puissent couvrir des réalités beaucoup plus nombreuses que celles développées dans ce Livre blanc, les acteurs ont défini le cadre qui permettrait de saisir les pans principaux de la discrimination, à savoir ceux qui posaient les difficultés les plus profondes sur le marché de l’emploi. Sur cette base, quatre formes de diversité ont été retenues : • Le genre • L’âge • L’ascendance étrangère • Le handicap La deuxième difficulté était d’éviter l’effet stigmatisant que peut avoir l’intention de saisir une altérité (de genre, d’ascendance, de handicap…) sans enfermer les publics concernés dans cette altérité et participer, indirectement, à une stigmatisation négative. Tout au long du processus, cette donnée a pesé dans les différents pans de construction. La troisième difficulté était de sortir des processus de pensée positive et de proposer des outils de diversité réels, pragmatiques et équilibrés, tant sur le plan humain qu’économique ou politique. Ce défi fut relevé au fur et à mesure du processus de construction du Livre blanc et des consultations avec les secteurs, les entreprises et les acteurs de la diversité. La quatrième difficulté était de proposer un projet collectif et de trouver un équilibre et des pistes qui tiennent compte des différentes positions entre les entreprises, les demandeurs d’emploi et les pouvoirs publics. Ce défi fut également relevé au fur et à mesure du processus. Ce processus de construction a donc demandé plusieurs étapes et a entraîné un processus de collaboration multiple et très large. Bien que les quatre profils discriminés soient présentés séparément, ces caractéristiques peuvent évidemment être portées simultanément par les personnes. Le genre notamment, qui concerne la moitié des personnes sur le marché du travail, doit être pensé avec les autres caractéristiques. Ce Livre blanc a donc demandé plusieurs démarches mais qui ont permis d’aboutir à une architecture pertinente, à la fois sur le plan économique et politique. Loin d’être exhaustif, il illustre néanmoins les grandes difficultés, en amont et aval, en matière de diversité et propose des pistes de lecture et d’actions adaptées. 8

II. Méthodologie Fort de ces étapes, le Livre blanc se développe en plusieurs strates. Un premier volet dresse une cartographie claire de la discrimination en rassemblant les dernières données empiriques de la discrimination. Les données quantitatives concernant les différences significatives sont présentées tout au long de cette structure. Cette cartographie a été la base d’un premier constat soumis aux acteurs économiques. Un deuxième volet concerne l’aspect qualitatif et explore la genèse des différences sur le marché de l’emploi. • Les aspects institutionnels qui participent directement ou indirectement à la discrimination • Les causes sociales • Les difficultés pour les entreprises • Les causes des comportements discriminatoires Un troisième volet nourrit le Livre blanc par les données issues des consultations avec les secteurs et les entreprises. Leurs expériences de terrain sont une source riche de pertinences. Deux formes de consultations ont été retenues : • Une enquête anonyme a réuni un échantillon de près de 430 entreprises. L’échantillon représentatif se découpe, selon la taille des entreprises, de la manière suivante : • 100 employés ou plus • 50 à 99 employés • 10 à 49 employés • Moins de 10 employés 22,14 % 9,09 % 29,84 % 38,93 % • La deuxième forme de consultations s’est déroulée autour de tables rondes et de Commissions Diversité réunissant à la fois les secteurs, les entreprises et des experts en diversité. Un échantillon de près de 430 entreprises Des Tables rondes et des Commissions 10 secteurs De par ces consultations, les acteurs économiques ont pu largement peser dans l’élaboration et la construction des outils proposés. Les pratiques élaborées dans d’autres pays du monde, en matière de diversité, sont également présentées même si elles ne sont pas exhaustives des pratiques au niveau international. Une réflexion autour de ces outils internationaux et leur faisabilité nationale est également mis en perspective. Enfin, chaque forme de diversité est illustrée par une interview ou une pratique positive en diversité. L’ensemble de ce processus donne lieu à ce Livre blanc qui se veut être un plan architectural visant à construire la diversité. 9

III. L’emploi en région bruxelloise La Région Bruxelloise connaît un paradoxe assez spécifique. En effet, bien que son PIB soit parmi les plus élevés d’Europe, cette richesse ne profite pas suffisamment aux bruxellois. Cette dichotomie est due notamment à une forte présence de navetteurs venant travailler à Bruxelles, qui dopent la Région mais ne reflètent pas la situation socio-économique de sa population. Par ailleurs, l’emploi intérieur progresse peu. En cinq ans, l’emploi salarié n’a augmenté que de 0,9 % (+5.000 postes).1 Cette lente progression est également en dichotomie au regard de la croissance démographique, qui apporte naturellement de nombreux nouveaux entrants sur le marché de l’emploi.2 3.1. La démographie bruxelloise La Région de Bruxelles-Capitale connaît depuis le tournant du siècle dernier une croissance remarquable de sa population. Sur dix ans, elle a augmenté de 16,4 %3 1.163.486 habitants (au 1er janvier 2014).4 pour atteindre Ces chiffres sont à mettre en perspective avec la différence entre les naissances et les décès, ainsi qu’avec les mouvements migratoires internes (la différence entre les entrées et sorties résidentielles au sein du territoire Régional).5 L’augmentation démographique est assez significative d’un point de vue national ; en Flandre, elle n’est que de 6,4 % et de 5,8 % en Région wallonne.6 Par ailleurs, sa jeunesse pourra aussi trouver des perspectives d’emploi en Flandre et en Wallonie, étant donné que les données y prévoient davantage de départs de personnes âgées du marché de l’emploi que de jeunes y entrant.7 La répartition hommes/femmes est relativement équilibrée. La population bruxelloise est également caractérisée par sa grande diversité puisque les indicateurs montrent que 25,5% de la population bruxelloise de 18 à 60 ans est d’origine belge et 65,9% est d’origine étrangère. 3.2. Un marché du travail exigeant Le marché de travail bruxellois présente plusieurs caractéristiques qui le mettent en tension. Il représente plus de 700.000 postes de travail dont 632.739 postes de salarié soit 16,5% de l’emploi salarié national.8 Ces postes de travail appartiennent majoritairement (92,7 %) au secteur des services.9 Plus de la moitié des emplois bruxellois sont occupés par des non-Bruxellois et près de 60 % des emplois (56,1 %)10 un diplôme de l’enseignement supérieur ou universitaire. exigent Dans les deux autres Régions, le marché de l’emploi manifeste plus de besoins en qualification basse et intermédiaire. Les besoins en diplômés de l’enseignement supérieur ou universitaire n’est « que » de 38,5 % en Région Flamande et 37,8 % en Région wallonne.11 Par ailleurs, la population bruxelloise est également en tension par rapport au marché de l’emploi bruxellois. En effet, bien qu’elle connaisse un taux supérieur de diplômés de l’enseignement supérieur (comparativement aux deux autres régions : 34,9 %), elle est également marquée par une proportion importante de personnes faiblement qualifiées.12 Aujourd’hui, un quart (25 %) des demandeurs d’emploi ne disposent que du diplôme secondaire inférieur et 20 % ont comme plus haut diplôme celui du secondaire supérieur. Ce qui veut dire que près de la moitié des demandeurs d’emplois en RBC (46 %) ne disposent pas d’un diplôme de l’enseignement supérieur.13 1. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2013. Bruxelles. p.13 • 2. Ibidem. • 3. Ibidem. • 4. SPF Economie, P.M.E., Classes moyennes et Energie. Site Web sur INTERNET. http://bestat.economie.fgov.be/BeStat/BeStatMultidimensionalAnalysis?loadDefaultId=1310>. • 5. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2013. Bruxelles.p.39 • 6. Ibidem. 10

BECI | livre blanc diversité Graphique 1 : Emploi intérieur et population active occupée en Région bruxelloise (arrondi 1000) (2012) 14 Cela créé sans surprise, un taux d’activité plus élevé chez les personnes hautement qualifiées (83,3 %) et le moins élevé chez les personnes faiblement qualifiées (46,5 %). 3.3. Répartition de l’emploi par Tableau 1: Evolution du nombre d’emplois salariés par secteur en Région Bruxelloise (2008-2012)16 2008 2012 Variation 2008-2012 V.A. % Industries extractives et manufacturières Energie secteur en Région bruxelloise15 L’emploi bruxellois relève majoritairement du secteur privé puisqu’un peu plus des deux tiers des postes de travail s’y concentrent. Par ailleurs, sa position de capitale (régionale, belge et européenne) contribue à accroître les postes dans l’administration publique. Il s’agit du bassin d’emplois le plus concentré avec 110.665 postes. Le deuxième secteur concentrant le plus d’emplois en Région bruxelloise est le commerce avec plus de 62.000 postes. Pour les deux autres Brabant, il est même le premier secteur d’emplois. Suivent les secteurs des activités financières et d’assurance ainsi que de la santé humaine et de l’action sociale. Construction Commerce Transports et entreposage Horeca Information et communication Finance et assurances Activités immobilières Activités spécialisées, scientifiques et techniques Services administratifs et de soutien Administration publique Enseignement Santé humaine et action sociale Arts, spectacles et activités récréatives Divers Total 23.832 7.870 19.018 66.740 29.448 25.813 34.940 66.359 3.751 35.469 42.406 20.795 8.406 16.405 62.033 27.930 26.307 31.621 60.468 5.643 36.216 59.102 107.777 110.665 56.368 68.087 9.002 24.613 62.328 63.616 8.845 26.123 621.483 626.503 -3.037 536 -2.613 -4.707 -1.518 504 -3.319 -5.891 1.892 747 16.696 2.888 5.960 -4.471 -157 1.510 5.020 -12,7 6,8 -13,7 -7,1 -5,2 2,0 -9,5 -8,9 50,4 2,1 39,4 2,7 10,6 -6,6 -1,7 6,1 0,8 Source: ONSS, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi 7. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p.27 • 8. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles.p.16. • 9. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Sociale. 2014. Répartition de l’emploi par secteur. Site web sur internet. < http://www.emploi.belgique.be/moduleDefault.aspx?id=21166#AutoAncher1>. Dernière consultation : 14-06-2014 • 10. Observatoire Bruxelloise de l’emploi.Mars 2015. Focus : Quelles perspectives d’emploi pour les hautement qualifiés à Bruxelles ?. p.1. • 11. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles.p.15 • 12. Ibidem. • 13. Obssevatoire bruxellois de l’emploi. Statistiques sur le marché du travail bruxellois. Population active inoccupée.Voir : http://www.actiris.be/marchemp/tabid/211/language/fr-BE/Statistiques-sur-le-marche-du-travail-bruxellois.aspx • 14. Ibidem. • 15. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles. • 16. Observatoire bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2013. Bruxelles.p.18 11

IV. La discrimination sur le marché de l’emploi La discrimination est un comportement construit sur base d’une altérité, subjectivement perçue, et qui aboutit à un traitement différentiel notamment sur le marché de l’emploi. La perception de l’altérité en soi n’est pas négative, elle est même très naturelle puisque celle-ci est présente partout et tout le temps, y compris parmi les personnes du même sexe, d’une même culture, du même âge, d’une même famille,… C’est la manière de percevoir cette altérité, de façon négative ou positive, qui peut être problématique. Si les préjugés et les stéréotypes négatifs dominent dans la perception, le comportement qui suit sera naturellement négatif. Cette perception, et son prolongement comportemental, sera étudiée et analysée plus largement dans sa genèse au cours de ce rapport. Dans un premier temps, seront mis en perspective les différentes formes de discrimination ainsi que leur rapport au marché du travail. Les législations actuelles interdisent la discrimination sur base des critères suivants : la nationalité, la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, l’âge, la conviction religieuse ou philosophique, l’état de santé actuel ou futur, le handicap, la conviction politique, la caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale. La discrimination peut donc prendre différentes formes. Dans le cadre de ce livre blanc, nous nous concentrerons principalement sur les quatre formes les plus courantes en termes de discriminations à savoir l‘ascendance, le genre, l’âge, le handicap. Bien que chaque type de discrimination soit traité de manière monolithique dans ce projet, il est bien sûr évident que les caractéristiques discriminantes se cumulent. Par exemple, la discrimination des femmes s’aggravent lorsqu’elles cumulent d’autres caractéristiques comme l’âge, l’ascendance ou le handicap. 4.1. Discrimination et genre La question de l’égalité en matière de genre est une question que se sont appropriée depuis longtemps les pouvoirs publics. C’est une question globale dont le champ déborde le champ professionnel et qui irradie à travers tous les pans de la vie humaine : social, familial, politique, culturel,… Tous ces champs s’imprègnent les uns des autres et exercent une influence les uns les autres. Un effet positif ou négatif dans l’un de ces champs aura de facto un effet sur les autres (un enfant, une promotion,…) A cet égard, il y a lieu d’interroger les inégalités sous l’angle des constructions sociales et des choix individuels. Car aujourd’hui, plusieurs questions imprègnent la question de l’égalité en matière de genre : • Les différences salariales • L’accès aux fonctions hiérarchiques supérieures • La question de la conciliation vie privée / vie professionnelle,… Si la question des différences salariales et celles de l’accès aux positions hiérarchiques supérieures est une question qui s’insère uniquement dans le champ professionnel, celle de la conciliation vie privée/vie professionnelle la déborde. Cette question interroge la construction sociale du rôle des femmes et des hommes ainsi que la reproduction de ces rôles. Elle mène également à la question de la construction sociale du pouvoir et des responsabilités tant dans le champ professionnel que dans le champ social et familiale. Dans le cadre familial, on voit notamment que, même avec toutes les structures aidantes actuelles et les mesures étatiques (congé parental, structures d’accueil pour enfants, télé travail, flexibilité d’horaires,...), il y a encore une reproduction 12

BECI | livre blanc diversité Tableau 2 : Répartition des emplois salariés selon le sexe et la Région (2006 – 2011) 2 Région bruxelloise 2011 Hommes Femmes Total 319.857 312.882 632.739 Variation 06-11 -0,6 8,8 3,8 Région flamande 2011 1.146.828 1.036.335 2.183.163 Variation 06-11 0,7 9,4 4,6 Région wallonne 2011 519.097 500.670 1.019.767 Variation 06-11 1,4 11,4 6,0 2011 1.985.782 1.849.887 3.835.669 Belgique Variation 06-11 0,7 9,8 4,9 Source: ONSS, calculs Observatoire bruxellois de l’Emploi sociale des rôles familiaux. Les données montrent notamment l’insuffisance du partage des charges familiales au carrefour entre constructions sociales et choix individuels. Cela mène à des demandes spécifiques émanant plus souvent des femmes (que des hommes) et qui construisent une absence plus grande des femmes sur le marché de l’emploi : congé parental, aménagement d’horaires, recours au temps-partiel,… Ces demandes, légitimes, ont un impact significatif sur les carrières : impact salarial direct, impact sur les pensions, évolution de carrière,… et posent également la question de l’indépendance économique des femmes, que l’Europe, dans sa stratégie 2020, a mis en priorité. Ainsi, l’ensemble des actions, privées ou publiques, entreprises en matière de genre doivent pouvoir être réfléchies afin de ne plus « coller » les politiques de conciliation vie privée – vie professionnelle uniquement aux politiques pour femmes mais d’essayer de coller ces politiques de conciliation aux deux sexes, notamment par des mécanismes incitatifs… 4.1.1. Le genre sur le marche de l’emploi L’analyse du marché de l’emploi selon le genre montre que les femmes sont plus en retrait du marché du travail par rapport aux hommes. Leur taux d’activité à Bruxelles est de 58,3 % contre 72,5 % pour les hommes.1 Par contre, les chiffres indiquent qu’une fois qu’elles sont sur le marché de l’emploi, elles occupent à proportion égale le marché de l’emploi salarial. Les données sur la Région Bruxelloise indiquent (voir tableau 2): > LE PLAFOND DE VERRE La première difficulté à laquelle sont confrontées les femmes sur le marché de l’emploi est une sous-représentation dans les fonctions hiérarchiques supérieures. A cet effet, nous avons sondé les entreprises concernant la répartition des fonctions entre les hommes les femmes. Les données montrent que plus de 43 % des entreprises respectent un équilibre de genre au niveau des postes hiérarchiques supérieurs et plus de 44 % ne l’ont pas encore atteint. Nous avons également interrogé les entreprises sur leurs difficultés à trouver des femmes dans leur Conseil d’Administration : 24 % ont confirmé ces difficultés et 47 % ne l’ont pas confirmé. Près de 30 % des entreprises ne sont pas positionnées. Graphique 2 : Mon entreprise a des difficultés à trouver des femmes pour siéger au CA 0% Vrai Faux Je ne sais pas 10% 20% 30% 40% La frilosité à l’égalité de genre gagnerait pourtant à être éradiquée car, au-delà de la question d’équité, de nombreuses études ont montré la corrélation entre la présence de femmes dans les équipes de direction et la performance économique.3 Une récente étude de la banque Crédit Suisse confirme cette analyse. « Les entreprises comptant + de 15 % de femmes à la direction générale ont dégagé un retour sur fonds propres moyen de 14,7 % contre seulement 9,7 % pour les compagnies en comptant moins de 10 %. »4 Les fonds propres s’en trouvent également améliorés par la présence de femmes dans les conseils d’administration. Ils sont également meilleurs chez les groupes dirigés par une femme CEO. En 2013, le retour sur fonds propres était de 15,2 % pour ces groupes et de 11,9 % pour les groupes dirigés par un homme CEO5 . Tableau 3 : Mon entreprise respecte-t-elle un équilibre homme-femme ? Oui Aux postes moins qualifiés Aux postes plus qualifiés Aux postes décisionnels 46,62 % 53,85 % 43,82 % Non, les hommes sont très majoritaires 28,67 % 26,57 % 44,76 % Non, les femmes sont très majoritaires 24,71 % 19,58 % 11,42 % % des répondants 100 % 100 % 100 % 1. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles. p.12• 2. Ibidem. p.18 • 3. LAUFER Jacqueline & PAOLETTI Marion, « Spéculations sur les performances économiques des femmes », Travail, genre et sociétés 1/ 2010 (n° 23), Site Web sur INTERNET. < www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2010-1-page-167.htm.>. Dernière consultation 05-06-2014. • 4. LAUWERS, Michel. Les femmes managers rapportent toujours plus gros. L’Echo. Samedi 10 janvier 2015 • 5. Ibidem. 13

Tableau 4 : Ecart salarial sur base des salaires horaires et annuels bruts moyens (2007 – 2011)9 2007 Écart salarial en salaires horaires Écart salarial en salaires annuels 12% 24% 2008 11% 23% 2009 11% 23% 2010 10% 2011 10% 23% 22% Source: Bureau fédéral du Plan et DGSIE, Enquête sur la Structure et la Répartition des Salaires Les performances vont dans le même sens en ce qui concerne la cotation des actions. Celles-ci cotaient 2,62 fois leur valeur comptable chez les sociétés à forte direction féminine (+ de 15 %) et 1,97 fois chez les autres6 . Les entreprises sont donc gagnantes. Mais la question du genre doit être pensée sous différents angles : est-elle à renvoyer aux hommes uniquement ? Pierre Bourdieu interroge ce fait et nous relate : «… les femmes elles-mêmes appliquent, à toute réalité, et, en particulier, aux relations de pouvoir dans lesquelles elles sont prises, des schèmes de pensée qui sont le produit de l’incorporation de ces relations de pouvoir… »7 Les femmes s’enferment donc pour une part dans les schémas établis et incorporent une sorte de « norme » en ce qui concerne les postes à responsabilité et plus particulièrement en ce qui concerne leur masculinisation. Leurs propres comportements dans les entreprises attestent bien de cette incorporation. Elles ne sont moins souvent pro-actives en ce qui concerne les postes à responsabilité contrairement aux hommes qui y vont naturellement. Elles demandent souvent à réfléchir lorsqu’on leur propose des postes à responsabilités… Sans minimiser la structure propre de l’entreprise, qui peut, dans certains cas, être dans une vision masculine concernant les fonctions de direction et être un frein à la promotion des femmes, il y a eu tout de même lieu de juxtaposer clairement la question de l’auto-discrimination chez les femmes. Auto-discrimination qui est notamment due à une intégration des stéréotypes et des préjugés à leur égard et qui les maintient dans des positions hiérarchiques inférieures. Aussi, favoriser une meilleure mixité du genre dans les postes à responsabilité demande à travailler sur deux plans : • Au niveau de l’entreprise même en changeant la vision, notamment du management, et en menant des actions positives. • Au niveau du personnel féminin pour sortir de leurs propres préjugés à leur égard. Mais ces données doivent être mises en perspective avec l’incorporation des pratiques institutionnelles d’inégalité au niveau de la société entière. Aussi, explorer la genèse de l’inégalité entre les hommes et les femmes est en soi intéressant ; elle n’est pas simple mais elle demande à ce que les femmes explorent leur relation au pouvoir et que les hommes explorent leur perception des femmes au pouvoir. > ECART SALARIAL L’autre inégalité qui est encore visible sur le marché de l’emploi est l’inégalité salariale. 14

BECI | livre blanc diversité Graphique 3 : Répartition des bénéficiaires d’une pension selon les montants perçus et selon le sexe (montants mensuels en euros) (2008)10 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% Femmes Hommes Calculé par heure, l’écart salarial entre les hommes et les femmes, tous secteurs confondus, est en moyenne de 10 %. Il passe à 22 % lorsqu’il est calculé sur une base annuelle. Cette différence reflète la répartition inégale des femmes sur le marché du travail qui ont recours bien plus souvent que les hommes aux temps partiels. Cela est dû à la fois à la répartition inégale des charges familiales, mais est également à celle de certains métiers notamment la distribution ou le nettoyage (voir tableau 4).8 Soulignons également l’absence de mixité dans les métiers, qui demeurent très sexués. Les femmes renforcent principalement des métiers déjà très féminisés. > FEMMES ET PENSIONS Les femmes ont plus souvent recours au temps partiel que les hommes, avec les avantages et les inconvénients que cela apporte. Les inconvénients étant principalement d’ordre professionnel : évolution de carrière, impact salarial, calcul de la pension,… Ainsi, les chiffres concernant les pensions des femmes montrent des différences significatives par rapport à celles des hommes. Dans les catégories de pensions inférieures, les femmes dominent largement, et dans les catégories de pensions supérieures, ce sont les hommes qui dominent largement (voir graphique 3). Aussi, le fait qu’elles soient en retrait par rapport au marché du travail, qu’elles sont moins payées que les hommes, qu’elles évoluent moins dans les catégories hiérarchiques supérieures et qu’elles aient plus souvent recours au temps partiel, va inévitablement avoir des répercussions dans le calcul de leur pension. 4.1.2. Les mesures publiques Plusieurs législations sont apparues afin de permettre un meilleur équilibre sur le marché de l’emploi, notamment : • la loi sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes (2007) : elle interdit et sanctionne la discrimination sur base du sexe. • La loi du 22 avril 2012 (en vigueur au 7/09/2012) impose désormais de nouvelles obligations en matière salariale. Pour les entreprises de plus de 50 travailleurs, l’employeur a l’obligation de rentrer tous les deux ans une analyse montrant que la politique de rémunération est neutre sur le plan du genre. Il revient au Conseil d’Entreprise ou au CPPT (Comité pour la prévention et la protection au travail) de déterminer s’il y a lieu de faire un plan d’action. En cas de non-respect de ces dispositions, des sanctions sont prévues par le législateur : amendes pénales ou administratives. • La loi du 28 juillet 2011 : elle vise à garantir la présence de femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques autonomes, des entreprises cotées et de la Loterie Nationale. Des démarches doivent être prises afin de garantir dès 2018 le respect des dispositions prévues par la loi. 6. Ibidem.• 7. BOURDIEU, Pierre, La domination masculine, Paris, Editons du Seuil, 2002. p. 54 • 8. Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. 2014. L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique. Rapport 2014. Bruxelles. p.6 • 9. Ibidem. p.7 • 10. Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. 2011. Femmes et Hommes en Belgique : Statistiques et indicateurs de genre. Bruxelles. p.71 15 0,01 - 249 250 - 499 500 - 749 750 - 999 1.000 - 1.249 1.250 - 1.499 1.500 - 1.749 1.750 - 1.999 2.000 - 2.249 2.250 - 2.749 2.500 - 2.749 2.750 - 2.999 3.000 et plus

INTERVIEW D’ELS OVERBERGH 4.1.3. Interview société Microsoft : Els Overbergh LES FEMMES AU CRÉNEAU Un nombre croissant d’entreprises veillent à la diversité de leur personnel quant à l’origine, à l’âge et au sexe, et s’assurent que leurs travailleurs reflètent fidèlement la société. Microsoft Belgique, dont le siège est situé à Zaventem, consent également tous les efforts nécessaires sur ce plan, explique sa directrice des Ressources humaines Els Overbergh : « Une entreprise est capable de mettre en place un grand nombre d’actions positives à cet égard. » Propos recueillis par Frédéric Petitjean La politique des Ressources humaines de Microsoft Belgique, employant quelque 375 personnes, est sous la responsabilité d’Els Overbergh depuis octobre 2012. Cette économiste occupe depuis une dizaine d’années diverses fonctions dans les départements marketing, ventes et RH. Auparavant, elle a travaillé au sein de l’entreprise pharmaceutique Abbott Vascular et pour le géant brassicole ABInbev. Au fil des ans, Els Overbergh confie qu’elle a remarqué chez ses différents employeurs un intérêt croissant envers la diversité. Comment Microsoft gère-t-elle la diversité ? Quelle est sa place dans la politique du personnel ? « Microsoft est à l’origine une entreprise américaine, ce qui signifie donc que la diversité fait partie de ses priorités. Cette valeur est également promue par la société mère dans toutes ses implantations à travers le monde, y compris ici en Belgique. Créer un effectif du personnel diversifié revêt dès lors une importance capitale pour nous. » « Au sein de notre entreprise, la politique en matière de diversité est actuellement principalement axée sur le ‘sexe’. En d’autres termes, nous tentons de compter dans notre effectif un nombre suffisant de collègues féminins. » Els Overbergh, HR Director Microsoft Belgium & Luxemburg fréquemment remarqué qu’une femme reste davantage confrontée au dilemme famille/enfant ou carrière, ce qui peut représenter une sorte de barrière «naturelle» à la réussite professionnelle. Mais les entreprises disposent de nombreux moyens pour leur offrir une solution, et fort heureusement Microsoft en fait partie. » Comment procède-t-elle ? « Par exemple à travers ce que nous appelons le ‘New World of Work’ ou ‘la nouvelle manière de travailler’. Cette méthode permet d’organiser son travail et son agenda de manière extrêmement flexible et en toute liberté. Je suis en mesure, dans une certaine limite, de fixer moi-même mes heures et de travailler aisément depuis mon domicile. Je commence par exemple par conduire mes enfants à l’école le matin et puis je me rends au travail. Ou si, en cas de journée pédagogique imprévue ou dans d’autres circonstances, je ne parviens pas à trouver le moyen de faire garder mon enfant, je peux travailler facilement de chez moi ou depuis un autre endroit. Tant que les objectifs sont atteints, ce qui reste bien entendu la condition essentielle, Microsoft fait preuve d’une grande souplesse à ce sujet. » « L’autre façon dont votre employeur peut vous aider est très simple : accepter que la personne et le travailleur traversent des phases différentes dans leur vie. Par exemple, la mère d’un enfant de quelques mois n’a pas envie de partir en voyage d’affaires plusieurs semaines à l’étranger. À ce moment, sa carrière est plutôt secondaire, sans pour autant entraîner des conséquences sur ses ambitions à plus long terme. Elles peuvent rester intactes à cent pour cent, vous savez. » J’imagine que cette approche constitue aussi pour vous le moyen idéal d’attirer les jeunes travailleurs dans votre entreprise, un aspect clé dans la guerre des talents qui fait rage actuellement. Le domaine de l’informatique a en effet la réputation d’être un univers exclusivement masculin, est-ce le cas ? « Oui, c’est un peu cliché mais comme la plupart des clichés, il dissimule une grande part de vérité, bien sûr (rires). Le changement auquel nous aimerions assister sur ce plan reste en effet lent à se concrétiser. Un petit coup d’accélérateur ne ferait pas de tort. Évidemment, le problème apparaît dès le choix des études : les orientations scientifiques plus ‘dures’ telles que les maths, la chimie, l’informatique attirent encore trop peu de filles. La Belgique est à la traîne dans ce domaine par rapport à beaucoup d’autres pays. » Avez-vous déjà été personnellement confrontée au célèbre plafond de verre ? « Hmmm (elle réfléchit) ... Non cas. Je ne l’ai jamais ressenti ou éprouvé chez mes employeurs précédents. J’ai toutefois « Oh, absolument, et elle est aussi une bonne raison de rester. La culture et la flexibilité d’une organisation sont deux éléments fondamentaux lorsque la question de quitter une entreprise ou d’y rester se pose. Le salaire n’est pas le seul facteur décisif. » De quelles manières Microsoft fait-elle la part belle à la diversité ? « Eh bien, nous avons notamment fixé des objectifs sur le nombre de femmes que nous souhaiterions compter au sein de notre personnel. Lorsque nous cherchons à engager une personne, par exemple, nous nous assurons qu’un nombre suffisant de femmes ont été retenues avant d’inviter les candidats à passer un entretien. Le rapport hommes/femmes dans notre équipe de direction doit lui aussi être équilibré. Nous sommes sur la bonne voie, même si j’admets qu’il reste encore pas mal de pain sur la planche. » 16

BECI | livre blanc diversité La diversité : la pierre d’achoppement de nombreux acteurs du secteur IT Microsoft n’est pas la seule entreprise à tenter de stimuler la diversité dans ses rangs. La plupart des entreprises informatiques dans le monde s’y intéressent. Chez Google, le géant américain de l’internet, la diversité sexuelle et ethnique est abominable. Ce constat n’est pas dressé par l’un ou l’autre groupe de pression mais par l’entreprise elle-même dans un rapport publié en mai de l’année dernière. Parmi les près de 50.000 personnes employées par Google dans le monde, pas moins de 70 % sont de sexe masculin. Près de 61 % sont blancs, 30 % sont d’origine asiatique, 3 % sont hispaniques et 2 % sont noirs. Le problème est encore plus important si l’on regarde les emplois dans le domaine de la technologie pure où 83 % des postes sont occupés par des hommes et 60 % par des blancs. Les noirs représentent à peine 1 % des personnes occupant ce type de fonction. Avec seulement 2 %, les hispaniques sont eux aussi sous-représentés. À titre de comparaison : selon le département américain des statistiques du travail, les noirs et les hispaniques composent en moyenne 12 et 16 % respectivement des effectifs aux États-Unis. Les femmes représentent quant à elles 47 %. Le problème : l’enseignement Google désigne l’enseignement comme principal responsable de ces problèmes. Aux États-Unis, à peine 18 % des diplômes de bachelier en informatique sont décrochés par une femme. Ce nombre est même inférieur à 10 % en ce qui concerne les noirs et les hispaniques. 5 % seulement tentent ensuite de décrocher un master. Google a déjà donné 40 millions de dollars à des organisations actives sur le plan de la diversité afin de contribuer à réduire ces écarts. L’entreprise déclare également collaborer avec des hautes écoles et des universités noires afin de stimuler les étudiants à postuler au sein de Google. La situation n’est pas beaucoup plus réjouissante chez son concurrent Apple. En août de l’année dernière, le PDG Tim Cook a déclaré que, même si Apple ne diffère pas profondément des autres entreprises de la Silicon Valley, il n’est pas satisfait de son niveau de diversité. Selon une enquête interne, 55 % des travailleurs américains de l’entreprise à la pomme sont blancs. Apple emploie par ailleurs 15 % d’Asiatiques, 11 % d’hispaniques et 7 % de noirs. Le pourcentage de travailleurs masculins et féminins est respectivement de 70 et 30 %. Une diversité importante = plus de bénéfices Prenons un dernier exemple : Facebook. Dans cette entreprise également, les hommes blancs sont surreprésentés : 69 % de l’ensemble des employés de Facebook sont de sexe masculin et 57 % sont blancs. Un peu plus d’un employé sur trois est d’origine asiatique et seulement 2 % sont noirs. Facebook a également fait part de sa volonté d’accroître la diversité au sein de son personnel, surtout en raison de ses activités dans le monde entier et parce qu’une étude a révélé que des équipes composées de personnes d’origines ethniques différentes parviennent à résoudre plus efficacement des problèmes complexes. D’autres études indiquent que les entreprises caractérisées par une plus grande diversité sont plus créatives et engrangent des bénéfices plus élevés. Facebook en semble consciente elle aussi et s’est donc lancée dans un partenariat avec des organisations dont les activités sont destinées à promouvoir le secteur ICT parmi les groupes de population sous-représentés. L’année dernière, le réseau social a même mis sur pied une strategic diversity team spéciale dont la tâche est d’adapter à court terme les procédures de sélection. Facebook estime que ses actions portent déjà leurs fruits et les derniers chiffres révèlent une amélioration par rapport à l’année dernière. 17

Le personnel féminin de Microsoft se soutient-il mutuellement ? Ou l’encouragez-vous particulièrement ? « Nous tentons effectivement de permettre aux femmes d’interagir dans le cadre d’un système de réseautage. Nous prévoyons pour cela des moments spécifiques durant lesquels elles peuvent se rencontrer et apprendre à se connaître. On entend parfois que les femmes sont généralement moins efficaces que les hommes en matière de réseautage, pour la simple raison que la plupart du temps elles doivent aussi gérer leur ménage. Je généralise probablement, mais tout de même : de nombreuses femmes n’ont tout simplement pas de temps à consacrer au réseautage. » L’âge des travailleurs fait-il également l’objet d’une attention particulière au sein de votre entreprise ? « Microsoft n’est pas une jeune entreprise, quatre générations s’y côtoient donc. Et chaque génération poursuit naturellement ses propres objectifs et a ses habitudes bien particulières. Les managers sont formés à ce sujet, oui. Par exemple, une personne de la génération Y émettra des idées singulièrement différentes sur le travail, la carrière et l’épanouissement personnel qu’une autre appartenant à la génération des babyboomers. » Et en ce qui concerne les origines ? Qu’en est-il des travailleurs d’origine étrangère par exemple ? « Cet aspect revêt une moindre importance car dans le domaine informatique, ce sont surtout les compétences de la personne qui entrent en compte. Inutile de vous expliquer que notre secteur est confronté à une pénurie de profils techniques spécialisés : nous nous intéressons surtout aux aptitudes d’une personne, ses origines ne jouent aucun rôle sur ce plan. Donc pour l’instant, en matière de diversité, nous nous concentrons véritablement sur le sexe. » La politique de diversité a-t-elle déjà donné des résultats positifs ? « Du côté des chiffres, il est évidemment difficile d’établir un rapport entre nos bénéfices ou notre chiffre d’affaires et le nombre de femmes que nous employons. Tous ensemble, nous nous efforçons bien entendu de garantir le fonctionnement optimal de notre activité, tant les hommes que les femmes. » « Je remarque toutefois que les équipes au sein desquelles le rapport hommes/femmes est équilibré sont animées par une autre dynamique, une dynamique positive. Il apparaît très vite qu’une équipe composée de personnes issues de milieux différents est une richesse. Les hommes et les femmes n’ont pas le même caractère, ils ont des forces et des faiblesses différentes qui s’équilibrent parfaitement dans ces équipes. Et au final, tout le monde profite de cet apprentissage mutuel permanent. » Avez-vous dû surmonter des obstacles pour mettre cette politique en œuvre ? « Je n’emploierais pas le terme d’obstacle, un peu exagéré, mais certains hommes se sont en effet dit : et nous ? Ils ont pensé : allons-nous être relégués à l’arrière-plan ? Il est alors important de prendre le temps nécessaire d’expliquer la politique au personnel et que l’objectif n’est évidemment pas de favoriser ou de désavantager un sexe, mais que nous cherchons l’équilibre. Nous ne cessons jamais de sensibiliser notre personnel à ce sujet. » Même si tel n’est pas votre objectif principal, cette politique est également bénéfique pour votre image. « Oh oui, bien entendu. Microsoft est une entreprise très innovante et moderne et ce genre de politique lui correspond parfaitement. Je pense que nous pouvons en être fiers. Nous avons remporté plusieurs prix du meilleur employeur, certainement en partie grâce à nos efforts dans ce domaine. » Recevez-vous également des réactions de la part de vos clients ou fournisseurs ? « Je dois avouer que ce type de feed-back est plutôt rare. En revanche, nous partageons régulièrement nos meilleures pratiques avec le département des ressources humaines d’autres entreprises. Par exemple, j’ai récemment entendu le directeur du personnel de De Lijn. Cette entreprise est bien entendu plus grande et ses activités tout à fait différentes des nôtres, mais on remarque qu’elle s’intéresse également à cette question. La diversité est un thème qui anime le monde de l’entreprise et je crois que tel sera de plus en plus le cas à l’avenir. » En effet, comment la politique en matière de diversité évoluera-t-elle selon vous chez Microsoft dans les prochaines années ? « Eh bien, je pense que nous devrons nous remettre sans cesse en question et que nous devrons toujours être en mesure de répondre à cette interrogation : de quelle manière pouvons-nous refléter du mieux possible la société dans laquelle nous vivons tout en fournissant un service optimal à nos clients ? À travers des formations, des rencontres, des discours de notre direction, etc. Le management doit aussi veiller à prendre en compte les talents de chacun et à s’occuper de tous les membres de son personnel. Mais il doit être formé dans ce domaine également et sensibilisé à la question. Nous allons continuer à interroger régulièrement les travailleurs à ce sujet. » Avez-vous déjà remporté des prix grâce à votre politique en matière de diversité ? « Oui, nous avons notamment remporté à plusieurs reprises le prix Great Place To Work. Il s’agit d’une récompense internationale dans le cadre de laquelle l’employeur est évalué par ses travailleurs. La diversité n’est bien entendu pas la seule variable prise en compte mais nous savons que nous obtenons toujours de bons résultats dans la catégorie ‘traitement égal des hommes et des femmes’. » Pour conclure : comment évitez-vous qu’une politique en matière de diversité ne se transforme en discrimination positive ? Ou ne faut-il justement pas l’éviter ? « Oh, je pense qu’il est nécessaire de maintenir un équilibre. Si cette politique est perçue comme un obstacle, il convient impérativement de faire en sorte que tel ne soit plus le cas. Je ne dis pas qu’il ne faut pas parfois donner un coup de pouce à la politique mais, en fin de compte, une chose reste importante : permettre à la bonne personne d’occuper la bonne fonction, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. » 18

BECI | livre blanc diversité 4.2. Discrimination et âge Le vieillissement de la population fait partie du paysage conjoncturel belge. Ce phénomène a des répercussions sociales et économiques qu’il importe donc de prendre en compte. Employer des travailleurs plus âgés, en luttant contre les discriminations à leur égard, comporte un certain nombre d’avantages pour l’entreprise. La diversité au niveau des âges des travailleurs permet les échanges de savoirs, de compétences, de savoir-faire ou encore d’expérience, qui s’avèrent des plus bénéfiques pour l’entreprise. Les aînés peuvent aussi participer à la formation et à la maturité professionnelle des plus jeunes. Les travailleurs ne sont pas mis en concurrence sur base de leur âge mais travaillent ensemble pour plus d’efficacité. Incorporer cette diversité d’âges dans l’entreprise peut augmenter les performances globales de l’entreprise. Par ailleurs, la diversité au sein de l’entreprise permet l’aménagement d’horaires qui soient plus adaptés aux travailleurs en fonction de leur âge et de leurs préoccupations quotidiennes. (Exemple : engager des travailleurs plus âgés pour permettre aux travailleurs qui ont des jeunes enfants d’adapter leur horaire aux besoins de l’organisation familiale.) Bien que l’expérience professionnelle soit plutôt un atout sur le marché de l’emploi, l’âge peut souvent constituer un filtre lors de l’embauche des travailleurs. Pourquoi ? Le coût salarial plus élevé des travailleurs plus âgés constitue le principal frein à l’embauche de ceux-ci ou au maintien en fonction de ceux-ci passés un certain âge et un certain nombre d’années d’ancienneté. Graphique 4: D’une manière générale, mon entreprise perçoit certaines difficultés dans la capacité des personnes plus âgées à s’adapter au changement 0% Vrai, précisez Faux Je ne sais pas 10% 20% 30% 40% 50% 60% Par ailleurs, il existe de nombreux stéréotypes et préjugés au sujet des travailleurs ayant atteint un certain âge. Ceuxci sont considérés comme moins flexibles, moins productifs, plus fragiles physiquement, comme ayant plus de soucis de santé ou encore comme étant moins aptes à s’adapter aux changements et aux nouvelles technologies, que les travailleurs plus jeunes. Ces stéréotypes et préjugés fonctionnent de manière invisible puisqu’ils agissent déjà au moment de la sélection des candidats et de leur invitation (ou non) aux entretiens d’embauche. BECI, dans son enquête, a interrogé les entreprises et leur a demandé si elles percevaient des difficultés dans la capacité des personnes plus âgées à s’adapter au changement. Plus de 60 % des entreprises ne confirment pas ces difficultés mais 23 % les affirment. Près de 15 % ne se positionnent pas (voir graphique 4). 19

Le baromètre de la diversité a évalué le désavantage de l’âge en matière de recrutement. Il indique : « Pour le candidat âgé, la probabilité de subir un désavantage discriminatoire, c’est-à-dire de ne pas être invité à cet entretien alors que le candidat plus jeune reçoit l’invitation, est de 7 à 8 points de pourcentage plus élevée. En revanche, ce candidat âgé a 4 points de pourcentage de moins de chances de bénéficier d’un avantage discriminatoire, autrement dit d’être le seul à être invité. »11 Par ailleurs, certains aspects, dus aux constructions sociales naturelles, peuvent également freiner l’embauche ou accélérer les licenciements des personnes ayant plus de maturité professionnelle. La population active des 25-49 étant plus souvent sur le marché de l’emploi et donc évoluant au niveau hiérarchique, peut se trouver confronter à un cycle de vie nouveau. La vie humaine naturelle est élaborée telle que, depuis la prime enfance, les personnes sont habituées (au sens « habitus »12 ) à être sous l’autorité de personnes plus âgées (parents, enseignants, éducateurs,...) Dans la vie professionnelle, ce cycle, de par l’évolution des jeunes au niveau hiérarchique, peut s’en trouver renversé. Les personnes plus jeunes occupent des fonctions d’autorité envers les personnes plus âgées. Cela peut mener à un inconfort tant pour les personnes jeunes que pour les personnes matures. L’inconfort, de par cette position inhabituelle, peut freiner les engagements ou accélérer les licenciements En outre, la discrimination envers les travailleurs âgés peut se dérouler non seulement au moment de l’embauche mais peut aussi s’exercer au quotidien sur le lieu de travail, via des différences de traitement ou des attitudes négatives. 4.2.1. L’âge sur le marché de l’emploi Les données fournies par les services publics révèlent des taux d’occupation professionnelle inférieurs, à la moyenne chez les personnes expérimentés. Sur les dix dernières années, les observations montrent une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans. « Leur nombre a plus que triplé en Région bruxelloise sur cette période alors que leur taux de chômage est passé de 10% en 2002 à près de 20% en 2012. »13 > TAUX D’EMPLOI Leur taux d’emploi montre les difficultés : en 5 ans (entre 2007 et 2012), leur taux d’emploi n’a augmenté que de 4 %. 14 Tableau 5 : Le taux d’emploi selon le sexe et la classe d’âge en RBC (2012)15 De 45 à 49 ans De 50 à 54 ans De 55 à 59 ans De 60 à 64 ans Total Hommes 67,9 74,2 62,5 36,5 59,4 Femmes 61,4 56,5 45,7 20,7 48,6 Total 64,8 65,3 53,8 28,1 54,0 Source: SPF Economie - DGSIE (EFT), calculs Observatoire de bruxellois de l’Emploi 11. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2012. Baromètre de la Diversité : Emploi. Bruxelles. p. 49 • 12. Cf. chapitre déconstruire la discrimination pour construire la diversité • 13. Observatoire bruxellois de l’emploi. 2014. Focus : Aperçu de la situation des travailleurs « seniors » sur le marché de l’emploi bruxellois. Bruxelles. p.1 • 14. Ibidem. p.2 • 15. Ibidem. • 16. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p.196 • 17.Observatoire bruxellois de l’emploi. 2014. Focus : Aperçu de la situation des travailleurs « seniors » sur le marché de l’emploi bruxellois. Bruxelles. p.3 • 18. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p.196 Graphique 5 : Taux de chômage BIT selon la classe d’âge et la région (2012)17 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 45-49 ans 50-54 ans Région bruxelloise Région flamande 55-59 ans 60-64 ans Région wallonne Belgique Source: SPF Economie - DGSIE (EFT), calculs Observatoire de bruxellois de l’Emploi Ce faible pourcentage est aussi dû au fait que le faible flux de personnes entrant dans la catégorie « actifs occupés » se combine avec un flux élevé de personnes sortant de cette catégorie (pré-pension, maladies, etc...) > TAUX DE CHÔMAGE En 2013, près d’un tiers des inscrits chez Actiris soit 30% avaient plus de 45 ans. Bruxelles connaît donc le plus haut taux de chômage des 45-60 ans avec une moyenne de 17,5 %. Par ailleurs, les données du monitoring socio-économique confirment également ces difficultés. Pour plus de 80 % des + de 45 ans, il s’agit d’un obstacle épais puisqu’ils connaissent globalement un chômage de longue durée.16 Nous pouvons également souligner un phénomène de « double difficulté » pour les personnes d’origine étrangère parmi cette catégorie d’âge (graphique ci-contre). 20

BECI | livre blanc diversité Graphique 6 : Chômage de longue durée (plus d’un an) chez les chômeurs du 4e 40% 45% 50% 55% 60% 65% 70% 75% 80% 85% 90% Total n 30 n 30-44 n 45+ n Total Belgique 46,5% 64,0% 83,2% 66,3% Belge 42,6% 62,8% 82,2% 64,2% UE-14 47,4% 65,1% 83,5% 66,1% UE-12 43,7% 61,7% 83,0% 65,3% Candidat UE 51,6% 66,2% 85,2% 64,6% Autre Européen 46,5% 59,9% 74,1% 60,0% Maghrébin Autre Africain 55,5% 58,2% 85,6% 67,6% 46,0% 61,7% 74,4% 60,6% Sud/Centre Américain 45,4% 59,9% 76,9% 60,3% Asiatique 45,4% 57% 76,6% 60,1% Source: Datawarehouse marché du travail et protection sociale, BCSS. Calculs et traitement: SPF ETCS trimestre de 2008, par origine et classe d’âge18 4.2.2. Les mesures publiques A. LA LEGISLATION En vertu de la législation, l’employeur qui commet un acte de discrimination envers un travailleur sur base de son âge (que ce soit lors de l’embauche ou une fois celui-ci en fonction) s’expose à une sanction légale. Si la loi anti-discrimination prévoit l’égalité de traitement des travailleurs indépendamment de leur âge, celle-ci n’empêche pas ce type de discriminations d’exister. Cette loi autorise, dans certains cas, les entreprises à procéder à une distinction des travailleurs sur base de leur âge, mais cette distinction doit être justifiée objectivement et raisonnablement. Toutefois, la discrimination s’exerce le plus souvent via des mécanismes invisibles, ce qui rend difficile toute mesure objective de ce phénomène. B. LES MESURES INCITATIVES Les instruments politiques ont déjà été créés afin d’augmenter la participation professionnelle des personnes plus âgées. Il s’agit notamment : • Plan ACTIVA : Celui-ci présente des avantages pour les employeurs comme la réduction ou l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale et l’activation de l’allocation de chômage ou de l’intégration sociale que l’employeur peut déduire du salaire net à payer. • Complément de reprise du travail pour les chômeurs de 55 ans ou plus. Ce complément de reprise du travail est une indemnité à charge de l’ONEM qui vient s’ajouter au salaire. La demande de complément de reprise du travail doit être introduite auprès de l’organisme de paiement. • Réduction des cotisations sociales pour le groupe cible des travailleurs âgés de 54 ans ou plus (ONSS et secrétariat social) L’ensemble des mesures des aides à l’emploi sont très nombreuses et elles gagneraient à s’améliorer en lisibilité. Par ailleurs, toutes ces mesures devraient être régulièrement évaluées par les pouvoirs publics afin d’analyser leur faisabilité avec la réalité du marché de l’emploi. La question de la méconnaissance et de la maîtrise des outils d’aides doit également être avancée. 21

INTERVIEW DE KATLEEN BEYENS – HUMAN RESOURCES MANAGER – SODEXO 4.2.3. Interview de Sodexo : Mme Katleen Beyens Quelle est votre fonction au sein de l’entreprise ? « Human Resources Manager. » Si vous deviez parler de la diversité dans votre entreprise, que diriez-vous ? « Sodexo considère chaque collaborateur comme une personne unique sans distinction d’âge, de sexe, de formation, de milieu socio-économique, de race, d’origine ethnique, de langue, de nationalité, de religion, d’orientation sexuelle, de capacités physiques et mentales, etc. La diversité fait partie intégrante de la culture de notre entreprise et constitue un axe stratégique de Sodexo. Nous travaillons, par exemple, sur l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux, sur le bien-être des travailleurs plus âgés, sur l’intégration des personnes handicapées, sur la collaboration entre les travailleurs de différentes générations, sur l’égalité des chances pour tous. Sodexo a l’ambition d’aider ses collaborateurs dans leur évolution au sein de l’entreprise et de les encourager à suivre le rythme de la croissance de Sodexo, et ce tant pour les hommes que pour les femmes. Sodexo souhaite garder ses travailleurs de plus de 55 ans le plus longtemps possible en activité et veiller à leur motivation. » Quelles mesures ayant trait à la diversité avezvous mises en place ? Quel public avez-vous ciblé ? (femmes, handicap, origine étrangère, âge, etc.) « Seniors : des entretiens de carrière individuels, des séances d’information annuelles, une brochure 55+, un dépistage des ‘métiers lourds’, etc. Intergénérations : réseau ‘Young Sodexo’, formation I-gen, développement d’un programme de parrainage pour l’intégration des nouveaux collaborateurs, etc. Femmes : réseau Women@Sodexo, refonte des offres d’emploi (les rendre plus ‘favorables aux femmes’), mentorat, gestion active des talents, flexibilité lorsque cela est possible, brochure pour les femmes enceintes, etc. Handicap : création de places de stage, élaboration d’une séance de sensibilisation, etc. » Avez-vous vu des effets positifs ? Si oui, lesquels ? « Oui. Une évolution positive des KPI relatifs au sexe, aux seniors, aux personnes atteintes d’un handicap, etc. Nous sommes convaincus que notre culture axée sur la diversité et l’intégration mobilise la richesse de chacun de nos travailleurs et contribue à leur développement personnel et à la croissance de notre entreprise. Il s’agit là d’un véritable avantage concurrentiel. Notre enquête de dévouement bisannuelle nous indique également une évolution positive de la satisfaction envers notre politique et nos plans d’action en matière de diversité.» Avez-vous rencontré des obstacles ou des difficultés ? Si oui, lesquels ? « Lorsque nous avons lancé notre politique en matière de diversité en 2007, nous étions ‘pionniers’. Nous avons depuis lors réussi à ancrer la diversité et l’intégration dans notre stratégie, dans notre politique et dans nos plans d’action stratégiques. » Kathleen Beyens, Human Resources Manager Sodexo Comment faire adhérer vos collaborateurs, en général, à vos actions dans le domaine de la diversité (le personnel mais aussi ceux qui tirent profit de ces actions) ? « Chez Sodexo, nous responsabilisons tous nos collaborateurs, y compris la direction et l’ensemble du management, à travers des séances de sensibilisation à la diversité et à l’intégration. Tous les nouveaux collaborateurs sont eux aussi invités à suivre cette séance. De cette manière nous créons un véritable réseau d’ambassadeurs de la diversité et de l’intégration car le succès de la mise en œuvre de notre stratégie incombe à chacun et chacune d’entre nous. Nous disposons d’un groupe d’experts composé de collaborateurs de chaque niveau, âge, sexe, etc. Nous avons créé un réseau interne appelé ‘women@sodexo’ et ‘young sodexo’. » Prévoyez-vous de mener d’autres actions à l’avenir ? « Oui, notre politique et nos plans d’action en matière de diversité sont établis sur plusieurs années et font l’objet d’un suivi et d’adaptations permanents. » Que pensent vos clients/fournisseurs de la diversité chez Sodexo ? « Ils se montrent très positifs à ce sujet. On nous demande souvent d’expliquer notre approche et nos résultats et d’optimiser notre partenariat avec notre client/fournisseur. » Avez-vous reçu des certifications, des prix ou des labels pour vos actions ? « Oui : Le Label Égalité Diversité (2007 – 2010) ; Le Label Diversité Bruxelles (2011 – 2013) ; L’Active Ageing Award Belgique et Europe (2012) ; Le prix Cap 48 (2014). » 22

BECI | livre blanc diversité 4.3. Discrimination et ascendance étrangère La question de la diversité sous l’angle de l’origine se pose particulièrement en Belgique, d’une part pour des raisons historiques et, de facto, pour des raisons démographiques. En effet, il y a 50 ans, la Belgique signait des conventions bilatérales avec le Maroc et la Turquie pour importer de la main d’œuvre vers la Belgique. Depuis, la Belgique a connu une immigration élargie, qui a conduit à un paysage démographique très diversifié. Aujourd’hui, ¼ de la population en Belgique entre 18 à 60 ans est d’origine étrangère et à Bruxelles, c’est 65 % de la population qui est d’origine étrangère19 . Le monitoring socio-économique précise : « 60,2% de la population de 18 à 60 ans est d’origine belge c’est-à-dire qu’ils sont de nationalité belge, nés belges de parents nés belges. 25,3% est d’origine étrangère c’est-à-dire qu’ils sont soit de nationalité étrangère soit qu’ils sont nés avec une nationalité étrangère ou encore qu’un de leurs parents est né avec une nationalité étrangère. Et 14,5% est d’origine non déterminée principalement parce qu’il n’est pas possible d’identifier nationalité ou le pays de naissance des parents. »20 la Les trois groupes d’ascendance étrangère les plus représentés sont : « les personnes originaires de l’UE-14 (33,3 %), les personnes originaires du Maghreb (26,8 %) et les personnes originaires d’un autre pays africains (9,5 %). »22 Graphique 7 : Répartition de la population de 18 à 60 ans selon l’origine21 Population de 18 à 60 ans Origine belge 3.774.490 (60,2%) Origine étrangère 1.584.174 (23,3%) UE-14 774.146 (12,3%) UE-12 103.833 (1,7%) Candidat UE 123.666 (2,0%) Autre Européen 83.993 (1,3%) Maghrébin 251.083 (4,0%) Autre Africain 108.388 (1,7%) Nord Américain 12.588 (0,2%) Sud/Centre Américain 27.296 (0,4%) Asiatique 98.139 (1,6%) Océanien 1.042 (0,02%) 19. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p.17. • 20. Les catégories « origine » utilisées par le monitoring sont : UE-14 : France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Luxembourg, Irlande, Royaume-Uni, Danemark, Grèce, Espagne, Portugal, Finlande, Suède et Autriche. UE-12 : République tchèque, Estonie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Bulgarie et Roumanie. Candidats UE : Macédoine, Turquie, Croatie. Autres pays européens : Albanie, Andorre, Islande, Lichtenstein, Monaco, Norvège, Saint-Marin, Suisse, Russie, Saint-Siège, Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, etc. Maghreb : Algérie, Libye, Maroc, Tunisie et Mauritanie. Autres pays africains : Burundi, Cameroun, Afrique du Sud, Congo, Sénégal, Rwanda, etc. Amérique du Nord : Canada, Etats-Unis d’Amérique. Amérique Centrale et du Sud : Cuba, Guatemala, Mexique, Nicaragua, Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Pérou, Venezuela, etc. Asie : Chine, Japon, Thaïlande, Malaisie, Inde, Indonésie, Arabie Saoudite, Iran, Irak, Israël, etc. Océanie : Australie, Nouvelle-Zélande, Samoa, etc. • 21. Ibidem. p. 25 • 22. Ibidem. p. 27 Belge né belge parent non déterminé Reste 397.985 (6,3%) 6.269.742 Origine non déterminée 911.078 (14,5%) Belge né belge un 507.568 parent né belge l’autre non déterminé (8,1%) 5.525 (0,8%) 23

Graphique 8 : Répartition des personnes d’origine étrangère par origine et par région.23 4.3.1. L’ascendance sur le marche de l’emploi De très nombreuses études ont été entreprises concernant la discrimination, à la fois par les institutions publiques et par les Centres de recherches universitaires. La question de la discrimination des personnes issues de l’immigration s’est vue établie pour la première fois en Belgique en 1997 par une étude réalisée par le Bureau International du Travail (BIT). L’étude, nationale, pointait à l’époque un taux de discrimination à Bruxelles de l’ordre de 34,1 %.24 De nombreuses études ont ensuite été entreprises, notamment par les acteurs académiques, et ont toutes confirmé ces tendances, à savoir un traitement différentiel des personnes d’ascendance étrangère par rapport aux personnes d’ascendance nationale. La perception des personnes d’origine étrangère, comme population homogène, est la première fausse perception qu’il y a lieu de déconstruire. Il n’y rien de plus diversifié que des personnes d’ascendance étrangère. Derrière cette nomination se cache une diversité de cultures, de philosophies et de cultes intenses. En ce qui concerne la culture et/ou le culte d’origine, ces populations se les ont appropriés de manière très diverse : certaines complètement, d’autres pas du tout, d’autres en partie,… Ainsi des personnes peuvent avoir une même origine religieuse (mais pas la même origine culturelle) et vivre leur spiritualité différemment ou au contraire ne pas la vivre du tout ou de manière laïque. Il y a lieu donc d’être prudent et ouvert à la diversité dans la diversité en ce qui concerne l’ascendance. Il est, par ailleurs, difficilement aisé de déterminer quels aspects pèsent le plus dans les discriminations: les aspects culturels ou cultuels ou s’ils sont perçus subjectivement de manière globale derrière l’ascendance. Dans le cadre des processus de recrutement, ces deux aspects peuvent constituer un obstacle de manière monolithique ou combinée. Les données mesurées par les institutions publiques ne permettent pas de mesurer de manière objective si certains paramètres pèsent plus que d’autres ; les stéréotypes et préjugés sont nombreux et souvent catégorisants. Mais la discrimination sur base de l’ascendance étrangère a pu clairement être mesurée. Les dernières mesures publiques ont été établies par le monitoring socio-économique ainsi que par le Baromètre de la Diversité. Ce dernier a ainsi mesuré le « degré » de discrimination selon l’origine et indique : « Un candidat d’origine étrangère a 6,6 points de pourcentage de chances en plus de subir un désavantage discriminatoire. »25 Par ailleurs, « près de 10% des responsables RH interrogés affirment que l’origine du candidat exerce une influence sur la sélection finale et 5% indiquent que la couleur de peau intervient également. Et ce, même après l’invitation à un premier entretien d’embauche. » 26 Le baromètre montre également que 45 % des responsables en Ressources Humaines révèlent que les signes religieux ont un impact dans la sélection finale notamment le voile et 8 % affirment que les candidats issus d’une minorité ethnique doivent davantage prouver leur valeur lors du recrutement. A. L’EMPLOI SELON L’ORIGINE27 Les données établies par le monitoring socio-économique confirment les études antérieures établissant la discrimination sur base de l’origine. Les chiffres montrent des différences significatives dans le taux d’emploi : « Le taux d’emploi des personnes d’origine belge (74%) est supérieur au taux d’emploi observé pour les personnes d’origine étrangères.»28 23. Ibidem. p.28 • 24. REA, Andréa et al. Février 2009. « Les jeunesses bruxelloises : inégalité sociale et diversité culturelle », Brussels Studies. Site web sur INTERNET. <http://www.brusselsstudies.be/medias/publications/ FR_79_EGB9.pdf>. • 25. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme.2012. Baromètre de la Diversité : Emploi. Bruxelles. Bruxelles. p.73 • 26. Ibidem. 27. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p. 53 • 28. Ibidem. p.63 • 29. Ibidem. • 30. Ibidem. p.65 24

BECI | livre blanc diversité Graphique 9 : Taux d’emploi des 18 à 60 ans selon l’origine 30 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 74,2% 66,0% 53,4% 52,4% 43,3% 38,1% 42,9% 46,3% 43,9% 39,7% Source: Datawarehouse marché du travail et protection sociale, BCSS. Calculs et traitement: SPF ETCS Le tableau ci-dessus montre les différences significatives par groupe d’ascendance. Les tendances indiquent également une double difficulté lorsque les personnes cumulent les caractéristiques discriminantes. Il s’agit notamment des femmes dont l’ascendance est étrangère. Le monitoring souligne : « Les taux d’emploi les plus faibles sont observés pour les femmes originaires d’un pays candidat à l’UE et les femmes d’origine maghrébine (respectivement 29,2 % et 31,5%). Les données semblent indiquer que les femmes d’origine étrangère font face à une double discrimination : le fait d’être une femme et le fait d’être d’origine étrangère. »29 L’enquête de BECI auprès des entreprises, qui a interrogé les entreprises sur le pourcentage de leur personnel d’origine étrangère, a montré des tendances significatives. Aux postes moins qualifiés, les données montrent que 27 % des entreprises n’ont aucune personne d’origine étrangère et que 17 % d’entre elles en ont plus de 50 %. Le manque de diversité de personnes d’origine belge est également présent chez 6 % des entreprises. On peut voir également que 36 % des entreprises ont du personnel issu de la diversité aux postes plus qualifiés. Lorsqu’on croise les chiffres, on peut voir que 13,5 % des entreprises n’ont aucune personne d’origine étrangère dans leur personnel (tout niveau confondu), ce qui veut dire que 86,5 % des entreprises ont du personnel issus de la diversité. Les données indiquent également que pour 38 % d’entre elles, le personnel d’origine étrangère se situe entre 0 et 20 % (tout poste confondu). L’ethnostratification verticale (le fait de retrouver des personnes d’origine étrangère globalement dans les niveaux hiérarchiques inférieurs) est présente chez 22 % des entreprises ayant du personnel diversifié. L’ethnostratification horizontale du marché du travail (c’est à dire une sur-représentation dans certains secteurs et une sous-représentation dans d’autres) n’a pas été quantifiée par notre enquête mais a souvent été soulignée par des études contemporaines. Nous avons également sondé les entreprises sur leur préférence en termes de recrutement : Près de 20 % des entreprises ont répondu « vrai », plus de 12% ne se sont pas positionnées et 67% d’entre elles ont répondu par la négative. Graphique 10 : À compétences égales, mon entreprise préfère engager des personnes belges plutôt qu’étrangères ou d’origine étrangère 0% Vrai Faux Je ne sais pas 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% Tableau 6 : Mon personnel est composé de personnes ayant une ascendance étrangère à hauteur de : Aucun Aux postes moins qualifiés Aux postes plus qualifiés Aux postes décisionnels 27,74 % 24,48 % 51,28 % 36,13 % 23,08 % 22,61 % 23,78 % 12,59 % 17,25 % 12,35 % 8,16 % Moins de 20 % De 20% à 50 % Plus de 50 % Plus de 90 % % Total 26,11 % 6,29 % 3,26 % 4,9 % 100 100 100 25 Total Belgique Belge UE-14 UE-12 Candidat UE Autre Européen Maghrébin Autre Africain Sud/Centre Américain Asiatique

B. CHÔMAGE ET ORIGINE Les données concernant les taux de chômage montrent également des différences significatives. A Bruxelles, les tendances indiquent des taux plus élevés de chômage chez les personnes d’ascendance étrangère. Les personnes les plus touchées sont les personnes originaires d’un pays candidat à l’UE31 avec 31,1 % et les personnes d’origine maghrébine avec 31 %. Dans ces deux groupes, deux autres faits sont à souligner : • le taux de chômage des femmes est largement supérieur à celui des hommes. • les catégories d’âge supérieures connaissent un taux de chômage supérieur aux autres groupes. Ainsi, les données établies montrent que le fait de cumuler les caractéristiques discriminantes, femme et d’origine étrangère ou âge supérieur et origine étrangère, était doublement, voire triplement discriminant. Les personnes cumulant ces caractéristiques sont donc confrontées à des murs doublement voire triplement épais, tant sur le plan horizontal (accès à l’emploi) que vertical (accès aux positions hiérarchiques supérieures). Aussi, d’un point de vue vertical, le plafond de verre, qui est déjà en soi un obstacle majeur pour les femmes ou pour les personnes d’origine étrangère, s’épaissit doublement voir triplement selon les caractéristiques cumulées. C. SALAIRE ET ORIGINE Des différences, sur le plan salarial, sont souvent pointées par les chercheurs. Les données suivantes montrent que les personnes d’origine étrangères sont majoritairement dans les tranches des bas salaires (sauf pour les personnes issues de l’Amérique du Nord et d’Océanie). La dualisation est particulièrement importante chez les personnes originaires d’un pays candidat à l’UE33 Une part de ces différences significatives est notamment due aux secteurs, à l’âge, l’ancienneté, et d’autre part au plafond de verre bloquant l’évolution professionnelle des personnes d’ascendance étrangère mais également des femmes. Soulignons par ailleurs que, pour toutes les catégories d’âge, les deux groupes connaissant les plus hauts taux de chômage, à savoir le groupe des « candidats à l’UE » et le groupe des « Maghrébins » sont les deux groupes comprenant les personnes originaires des pays avec qui la Belgique a établi des conventions bilatérales il y a 50 ans (le Maroc et la Turquie). Les conventions, à l’époque, étaient destinées à promouvoir l’immigration vers la Belgique afin d’augmenter la main d’œuvre en Belgique. avec + 26,4 % de représentation dans les bas salaires par rapport à la moyenne et – 20,9 % de représentation dans les salaires élevés.34 Graphique 11 : Taux de chômage des 18 à 60 ans par classe d’âge selon l’origine32 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% Belge n 18,19 n 20-29 n 30-54 n 55-60 8,2% 7,7% 5,2% 7,8% UE-14 13,7% 15,6% 11,8% 14,9% UE-12 8,5% 7,5% 7,6% 14,5% Candidat UE 16,8% 24,2% 23,5% 37,5% Autre Européen 14,6% 18,6% 15,5% 19,3% Maghrébin 18,0% 28,3% 24,7% 32,0% Autre Africain 11,1% 19,0% 17,7% 22,9% Sud/Centre Américain 15,4% 14,0% 13,0% 21,7% Asiatique 7,7% 10,1% 10,8% 13,8% Source: Datawarehouse marché du travail et protection sociale, BCSS. Calculs et traitement: SPF ETCS 31. Candidats UE : Macédoine, Turquie, Croatie • 32. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p. 179 • 33. Candidats UE : Macédoine, Turquie, Croatie • 34. Ibidem. p.138 26

BECI | livre blanc diversité Graphique 12 : Répartition des salariés par niveau de salaire et origine 35 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Bas salaires Salaires moyens Salaires élevés Source: Datawarehouse marché du travail et protection sociale, BCSS. Calculs et traitement: SPF ETCS 4.3.2. Les mesures publiques A. LA LEGISLATION En Belgique, deux lois interdisent la discrimination. • la loi anti-racisme de 1981 et modifiée en 2007 : elle interdit et sanctionne la discrimination dans les relations de travail sur base de la nationalité, d’une prétendue race, de la couleur de peau, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique. • la loi anti-discrimination (2007) : elle fait référence à la discrimination dans les relations de travail sur base de l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction philosophique ou religieuse, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale. Sont visés par ces législations la discrimination directe, la discrimination indirecte ou l’injonction de discriminer. La charge de la preuve (de non-discrimination) en cas de plainte incombe à l’employeur. Des sanctions pénales ont été instaurées par le législateur en cas de discrimination. B. LES MESURES INCITATIVES Les politiques publiques en matière de discrimination sont des politiques globalement utilisées dans d’autres pays à savoir des mesures « affirmative actions ». Ces politiques se définissent de la manière suivante : « Par les politiques d’affirmative action, nous entendons un ensemble assez large de politiques publiques dont l’objectif est d’inverser des tendances lourdes qui se traduisent par le maintien de certains groupes minoritaires dans une position désavantageuse, notamment en matière d’accès à l’emploi.36 » Elles désignent globalement les mesures de discrimination positive et représentent à Bruxelles notamment les aides salariales, les plans diversité,… > Charte, plan diversite et label Ces politiques ont été apportées, en Région Bruxelloise, par quatre ordonnances (du 4 septembre 2008) qui encadrent les politiques de diversité de tous les acteurs du secteur privé, public et associatif à l’exception des CPAS. Elles proposent trois actions : la signature d’une Charte Diversité, la construction d’un Plan Diversité et un label (« offert » aux entreprises ayant réussi leur plan diversité). Comme pour la Région Flamande, ces ordonnances imposent une obligation de plan diversité pour le secteur public et des subsides pour le secteur privé ayant établi un plan diversité. Elles ont instituées des groupes cibles afin d’engager les recruteurs dans des actions de « discrimination positive ». Il s’agit : des travailleurs de nationalité étrangère, des jeunes travailleurs, des travailleurs expérimentés, des travailleurs handicapés, des travailleurs infraqualifiés, traversées par des données en matière de genre. Cette législation a été une mesure forte, mais elle a restreint le public touché par la discrimination. La modification intervenue dans l’arrêté du 7 mai 2009 (secteur privé) a fait remplacer la catégorie « travailleurs d’origine étrangère » au profit des « travailleurs de nationalité étrangère » tandis que celle des travailleurs infra-scolarisés a été ajoutée.37 « Mais il est permis de douter que le groupe des ‘infra scolarisés’ constitue un ‘équivalent fonctionnel’ suffisant, car l’on constate que même lorsqu’elles sont dotées de hautes qualifications, les personnes d’origine étrangère - quoique de nationalité belge - demeurent largement victimes de discrimination.38 » Ce changement a également été relevé par le Conseil d’Etat dans son avis du 7 avril 2009 en soulignant que la nouvelle définition est plus restrictive que ne le permet l’ordonnance du 4 septembre 2008 et devait être dûment justifiée au regard des principes constitutionnels d’égalité et de nondiscrimination.39 35. Ibidem. p.141 • 36. ADAM, Ilke, « Immigrés et minorités ethniques sur le marché de l’emploi. Les politiques publiques en question ? », dans Marco MARTINIELLO et al. (dir), Immigration et intégration en Belgique Francophone. Etat des savoirs. Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2006, p.188. • 37. RINGELHEIM, Julie & VAN DER PLANCKE, Véronique, Plans de diversité dans l’entreprise : action positive ou communication positive ? Le cas de la Région de Bruxelles-Capitale in Ch. Bayart, S. Sottiaux et S. Van Drooghenbroeck (dirs), Actualités du droit de la lutte contre la discrimination, La Charte/die keure, Bruges, 2010, 309-352. • 38. Ibidem. • 39. Ibidem. 27 Belge UE-14 UE-12 Candidat UE Autre Européen Maghrébin Autre Africain Sud/Centre Américain Asiatique Nord Américain Océanien

INTERVIEW DE JEAN-CLAUDE DAOUST > Mesures incitatives Deux mesures d’aide salariale existent pour aider les recruteurs : • Les mesures généralistes • Les mesures ciblées Les aides généralistes visent des publics connaissant structurellement des taux de chômage importants. Mais elles ont l’inconvénient d’être très nombreuses et agissent sur différents plans (activation, réductions ONSS, groupes cibles,…). Dans le cadre des nouvelles régionalisations des politiques de l’emploi, une simplification des politiques d’aides à l’emploi serait une plus-value à la fois pour les employeurs mais également pour les demandeurs d’emplois. Toutes les aides généralistes peuvent être utilisées pour le recrutement de profils discriminés sur le marché de l’emploi. Certaines d’entre elles visent d’ailleurs indirectement ces profils. Par ailleurs, il existe des mesures plus ciblées pour les publics d’origine étrangère mais elles demeurent peu connues et aucune évaluation de ces mesures sur le marché de l’emploi n’a été établie. Il s’agit notamment de la mesure de réduction de cotisations pour le groupe cible « jeunes travailleurs ». Elle est destinée, notamment mais pas uniquement, aux jeunes d’origine étrangère ou aux jeunes ayant un handicap et ne possédant pas de diplôme de l’enseignement secondaire. Elle donne droit à une réduction de cotisations entre 3 et 4 ans selon le profil. Elle peut être cumulée, dans certains cas, avec la mesure Activa Start où une partie du salaire net est prise en charge par l’Onem pendant maximum 6 mois. Elle est également destinée, mais pas uniquement, aux profils présentés ci- dessus. De plus, dans le cadre de l’obligation, pour les entreprises d’au moins 50 travailleurs, d’engager minimum 3% des jeunes de moins 26 ans (sous la convention de premier emploi), les jeunes d’origine étrangère ou les jeunes avec un handicap comptent double dans ce pourcentage. Jusqu’à présent, aucune mesure de ce genre n’a été instituée pour les personnes d’origine étrangère bachelières ou universitaires. Jean-Claude Daoust, administrateur délégué de Daoust. 4.3.3. Interview de la societe Daoust : M. Jean-Claude Daoust40 CHAQUE PERSONNE DOIT AVOIR LES MÊMES CHANCES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Depuis sa création, Daoust a toujours accordé une importance primordiale à l’accueil et à la diversité. Pour cette société, les valeurs humaines et sociétales, autant que la qualité de ses services, sont essentielles. Son objectif : que ses employés soient le reflet de la société moderne avec sa richesse et sa diversité. JeanClaude Daoust, administrateur délégué, nous en dit un peu plus. Propos recueillis par Gaëlle Hoogsteyn 28

BECI | livre blanc diversité Quelle est votre fonction au sein de votre entreprise ? « Je suis administrateur délégué de Daoust, une entreprise familiale fondée par mon père il y a 60 ans. En interne, Daoust emploie 250 personnes. Notre métier de base est le placement d’intérimaires, mais au fil du temps nous avons élargi notre gamme de services à d’autres aspects des ressources humaines. Ainsi, nous proposons aussi des prestations en titres-services (nous avons environ 3.500 aides ménagères au travail), de l’outplacement, de l’aide à la sélection du personnel et du job coaching. Nous essayons, sur le marché du travail, d’accompagner toutes les personnes, des plus jeunes aux plus âgées, sans aucune discrimination quant aux origines, à la religion, etc. » Quelle est la philosophie de Daoust en termes de diversité ? « L’intérim a toujours été un métier très intégrateur de personnes de toutes origines. Mais la diversité, ce n’est pas que les personnes étrangères qui cherchent un emploi, c’est aussi une égalité hommes/femmes, jeunes/vieux,… Nous nous efforçons de respecter les principes de neutralité et de non-discrimination sous toutes ses formes, par rapport à des critères tels que le sexe, l’âge, le pays d’origine, la race, la couleur de peau, l’origine sociale, l’orientation sexuelle, le handicap et la conviction religieuse ou philosophique. Nous sommes en effet convaincus que : • Chaque personne a droit aux mêmes chances sur le marché du travail lors de la recherche d’un emploi, quelles que soient sa provenance, ses caractéristiques ou ses particularités. • La mise en commun et la combinaison de différents types de personnalités et visions, dans le respect des valeurs de chacun et le non-jugement, sont enrichissantes pour tous. • Une gestion proactive de la diversité impliquant la direction et l’ensemble des collaborateurs a une influence positive sur les prestations fournies par l’entreprise ainsi que sur son image. » Quelles actions en diversité avez-vous menées ? « Dans notre métier, nous avons toujours pris des engagements de qualité par rapport à notre clientèle, c’est-à-dire que nous cherchons la personne qui convient le mieux pour le travail demandé. Lors du recrutement, afin de garantir l’égalité des chances pour tous, nous travaillons avec un test de sélection non discriminatoire et exclusivement axé sur l’évaluation des compétences et des qualifications. Mais cette action n’était pas ‘cadrée’, tout était un peu informel. Suite à l’actualité et à divers scandales relayés dans la presse, nous avons décidé de formaliser notre politique. Nous avons donc établi une charte sur la diversité qui a été signée par tous nos employés, s’engageant ainsi à la respecter. Nous avons aussi mis en place une cellule chargée de veiller à la diversité en interne. Cette cellule, composée de 5 personnes (la directrice des ressources humaines, une consultante de terrain, une recruteuse interne, un délégué syndical et la responsable de notre département Responsabilité sociale), se réunit une fois par mois pour examiner la problématique en interne. Quel est le profil moyen du personnel ? Quelle est la pyramide des âges ? Y a-t-il eu des plaintes ? Des désaccords ? Que peut-on faire pour y remédier ? Quand on a une plainte pour discrimination déposée par un intérimaire ou une employée titres-services, cette cellule s’occupe 40. Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. Bonnes pratiques. Voir : http://www.iefh-action.be/ aussi d’investiguer, de voir ce qu’il en est et des mesures à prendre. S’il y a réellement eu discrimination, nous tentons de convaincre le client que cette pratique n’est ni dans son intérêt, ni dans notre politique d’entreprise. Mais avec le temps, cela arrive de plus en plus rarement. Daoust est aussi certifiée ISO et nous disposons d’un département Responsabilité sociale qui est en relation avec les départements Responsabilité sociale de nos clients et fournisseurs. » Avez-vous constaté des effets positifs ? Si oui, lesquels ? « Oui, sans aucun doute. Une première preuve concrète est la diminution du nombre de plaintes pour discrimination. En 2014, nous avons reçu une plainte sur les 25.000 personnes mises au travail. Du côté de la clientèle, nous ressentons aussi de plus en plus la disparition de réflexes discriminatoires à l’embauche. Je suis d’ailleurs heureux de constater que cette tendance n’est pas limitée à notre entreprise, mais s’étend au monde du travail en général. De par l’évolution des générations, les recruteurs sont aujourd’hui des jeunes qui ont toujours côtoyé des personnes de toutes origines, qui ont étudié avec elles et qui sont beaucoup plus ouverts qu’on ne pouvait l’être il y a 20 ou 30 ans. Aujourd’hui, c’est la discrimination qui choque ! » Rencontrez-vous des obstacles, des difficultés ? Si oui, lesquels ? « Anciennement, nous étions parfois confrontés à des clients qui ne voulaient pas d’intérimaires de couleur ou étrangers, ou des entreprises qui voulaient spécifiquement des hommes et pas de femmes. Mais comme je l’ai dit, cela s’estompe de plus en plus. Nous arrivons à faire comprendre aux clients qu’il faut regarder les compétences du candidat, pas son sexe, sa couleur de peau ou son âge. Il faut toujours chercher le meilleur candidat en fonction du poste à pourvoir. L’expérience leur prouve que notre optique est la bonne et ces demandes discriminatoires ont fondu comme neige au soleil. Je pense à une entreprise en particulier, cliente chez nous depuis 20 ans, qui, à l’époque, avait vraiment un politique d’embauche discriminatoire. Aujourd’hui, cette même société compte trois personnes d’origine étrangère dans son comité de direction. Je pense qu’il y a eu des caps, des actions, qui ont fait réfléchir les entreprises, comme le ‘Manifeste contre la discrimination’ publié en 2007 par la FEB dont j’étais président à l’époque. Ce manifeste mettait notamment à l’honneur des entreprises exemplaires en la matière, comme Colruyt, et les bénéfices qu’elles en tiraient. Montrer des exemples positifs engendre un effet d’entraînement. Avoir dans son personnel des gens qui ne se ressemblent pas mais qui sont complémentaires ne peut être que profitable à la société. Cela crée de la valeur ajoutée pour l’entreprise. Si tout le monde se ressemblait, il y aurait une grande perte de richesse.» Comment votre personnel, en général, s’approprie-t-il vos actions en diversité ? « Je pense que notre personnel est fier de travailler dans une société où la diversité est si importante. Même si signer une charte peut sembler simple de prime abord, ce n’est pas qu’un morceau de papier. Nos employés sont fiers de porter des valeurs positives. Dans nos job centers, si un employé était confronté à la demande discriminatoire d’un client, je 29

INTERVIEW DE JEAN-CLAUDE DAOUST pense qu’il réagirait très négativement et tenterait de faire entendre raison au client. Par ailleurs, lors d’entretiens d’embauche, les valeurs de Daoust sont souvent citées comme un atout. Récemment, nous avons rencontré plusieurs personnes qui travaillaient dans d’autres sociétés d’interim, plus centrées sur le commercial, et qui souhaitaient venir travailler chez nous pour nos valeurs, quitte à gagner moins. » Envisagez-vous d’autres actions à l’avenir ? « Nous allons continuer à renforcer nos différentes actions. Il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. On peut toujours faire mieux et il faut rester vigilant. Par nature, l’homme préfère ce qui lui ressemble, ce qu’il connaît. Nous allons donc également poursuivre notre travail de sensibilisation vis-à-vis des clients. » Quel regard portent vos clients/fournisseurs sur la diversité de votre entreprise ? « Nos clients sont des entreprises ou des familles à la recherche de personnes pour combler des besoins bien précis. Le marché du travail est ainsi fait qu’à Bruxelles et en Wallonie le taux de chômage est très important. Mais à côté de cela, il y a aussi toute une série de métiers en pénurie pour lesquels il est difficile de trouver de bons candidats. En ne discriminant à aucun stade du processus de recrutement, on ouvre un champ de possibilités bien plus large et on a donc plus de chance de trouver la personne qui correspond parfaitement à l’attente du client. Tant que les résultats sont positifs, ils ne peuvent que s’en estimer heureux. Nous n’avons jamais mené d’enquête sur ce sujet de façon directe, mais nous avons des clients qui ont eux-mêmes une charte de diversité et qui nous demandent d’y adhérer. Cela prouve que l’égalité des chances pour tous est aussi au cœur de leurs préoccupations. Cela consolide encore nos relations avec ces sociétés clientes. Nos fournisseurs de leur côté ne font pas de commentaires.» Avez-vous obtenu des prix pour vos actions ? « En 2008, nous avons reçu le label ‘Cluster Diversiteit Plan’, pour chacune de nos 13 agences en Flandre. Ce label certifie que notre recrutement interne est non discriminatoire, ainsi que nos relations avec nos intérimaires, et que nous gérons aussi les relations entre les intérimaires de façon égale. En 2013, nous avons reçu, pour la Région de Bruxelles, le ‘Label pour la Diversité’. En Wallonie, il n’existe actuellement aucun système de labélisation, probablement parce que la problématique est moins présente qu’à Bruxelles ou dans les grandes villes flamandes. Nous avons aussi été nominés trois années de suite pour le HR Excellence Award pour notre programme de diversité. » Pensez-vous que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour éviter la discrimination ? « Sans aucun doute. Une première chose est de dispenser un enseignement de qualité à tous. Je suis toujours effaré par les scores des études PISA. Il n’est pas normal que des jeunes ayant fréquenté l’école jusqu’à 18 ans ne sachent ni lire ni écrire correctement. L’accompagnement en milieu scolaire n’est clairement pas le même pour tous. Or, tout l’avenir professionnel passe par là. Par ailleurs, les pouvoirs publics devraient aussi donner l’exemple en engageant eux-mêmes des personnes de toute origine, religion ou couleur. Or, c’est précisément dans les institutions publiques qu’on en trouve le moins. Si la société belge souhaite intégrer les personnes d’autres origines, cela ne doit pas être réservé aux entreprises. L’exemple doit venir d’en haut. » Comment voyez-vous l’avenir de la diversité en Belgique ? « L’évolution de ces dernières années me permet d’oser être positif. Je trouve que, de manière générale, la discrimination raciale a nettement diminué. Mais mener une politique antidiscriminatoire ne se limite pas aux personnes étrangères. Il faut aussi veiller à l’équilibre des âges, donner plus de place aux femmes dans les comités de direction ou les fonctions à hautes responsabilités, aménager ses bâtiments pour les personnes à mobilité réduite… il y a encore beaucoup de choses à mettre en œuvre pour arriver à une égalité des chances totale. » Le projet BOOST En dehors de ses activités chez Daoust, Jean-Claude Daoust travaille aussi, en collaboration avec la Fondation Roi Baudouin, à un projet appelé « BOOST ». Ce projet vise des jeunes ayant du talent et qui risquent de sous-utiliser leur potentiel si aucune aide ne leur est apportée. L’objectif de BOOST est de renforcer les compétences de ces jeunes talents afin qu’ils progressent de manière significative dans leur développement scolaire et personnel. L’ambition de BOOST est que ces jeunes, en fonction de leurs talents et de leurs intérêts, accèdent à des études supérieures ou qualifiantes et les réussissent. BOOST a pour ambition de soutenir dans la Région de Bruxelles-Capitale des jeunes filles ou garçons issus de familles défavorisées. Le soutien apporté à chaque jeune s’étale sur 4 ans et comporte : • la participation à des séminaires et à des activités de développement personnel autour de différents thèmes : l’orientation scolaire, l’expression orale et écrite, les métiers et professions, les études supérieures, les codes sociaux ; • un ordinateur portable ; • une bourse de 500 euros/an ; • un soutien scolaire personnalisé, en cas de besoin. 30

livre blanc diversité 4.4. Discrimination et handicap Le terme « handicap » fait référence à bien des réalités et très différentes puisque diverses causes peuvent être à l’origine d’une diminution des capacités d’un individu : handicap physique, psychique, sensoriel, maladies chroniques, déficience mentale, séquelles physiques ou mentaux liés à un accident, etc... Le centre pour l’égalité des chances insiste pour une prise en compte du handicap dans ses dimensions plus globales et sociales. Est ainsi considéré comme un handicap, tout élément empêchant un individu de participer pleinement à la vie en société. La discrimination sur base du handicap est connue. Les personnes porteuses d’un handicap et le mentionnant dans leur curriculum vitae ont 4 points de pourcentage de probabilité en plus de subir un désavantage discriminatoire par rapport à une personne sans handicap.41 Par ailleurs, 70 % des responsables RH disent que l’état de santé du candidat a un impact dans le processus de recrutement.42 Le screening de l’enquête de BECI a montré que près de 29 % des entreprises ont du personnel présentant un handicap et 71 % d’entre elles n’en ont aucun. Nous avons également demandé aux entreprises si elles disposaient des ressources nécessaires pour adapter les infrastructures à l’accueil de personnes handicapées : 45 % des entreprises ont répondu par l’affirmative, 40 % ont répondu par la négative et 15 % ne sont pas positionnés. 4.4.1. Le handicap sur le marché de l’emploi Eurostat, Office statistique de l’Union Européenne, a récemment pris le pouls dans l’Union Européenne concernant le taux d’emploi des personnes avec un handicap. En 2011, dans l’UE 28, tandis que le taux d’emploi des personnes sans handicap (de 15 à 64 ans) était de 66,9 %, celui des personnes avec un handicap était de 47,3 %. La Belgique est en dessous de la moyenne européenne. Le taux d’emploi des personnes sans handicap est de 66,4 % chez nous, celui des personnes avec un handicap est de 40,7 %. La Suède (66,2 %) et le Luxembourg (62,5 %) sont les pays ayant le mieux réussi leur politique d’emploi à l’égard des personnes porteuses d’un handicap. La Hongrie (23,7 %) et l’Irlande (29,8 %) sont parmi les plus mauvais élèves d’Europe. En termes d’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie, les chiffres sont également mauvais. Le taux de participation à ces cycles est de 6,9 % pour les personnes handicapées contre 9,8 % pour les personnes sans handicap. D’autres chiffres sont également intéressants à mettre en perspective : • 1 famille sur 4 est touchée par le handicap en Europe. • Dans 80 % des cas, le handicap survient dans le courant de la vie. • 15 % : le nombre des personnes en situation de handicap et en âge de travailler en Belgique. • 41 % : le nombre de personnes handicapées belges inactives qui s’estiment aptes à travailler. • 91% : le taux d’entreprises belges satisfaites de leurs collaborateurs handicapés. Graphique 13 : Accès à l’emploi, la formation continue et l’inclusion sociale dans l’UE28, par état de handicap (%)45 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% Taux d’emploi (15-64 ans) Personnes handicapées Personnes non-handicapées Taux de participation à la formation tout au long de la vie (25-64 ans) Taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (16 ans et plus) 41. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2012. Baromètre de la Diversité : Emploi. Bruxelles. p. 91 • 42. Ibidem. • 43. Commission Européenne - Eurostat : Communiqué de presse 2/12/2014 (184/2014) : Situation des personnes handicapées dans l’UE : Moins d’1 adulte handicapé sur 2 avait un emploi dans l’UE28 en 2011. Voir : http://europa.eu/rapid/press-release_STAT-14-2283_fr.htm • 44. Beci. Juin 2015.. La compétence au-delà du handicap. Bruxelles Metropole.n°5. p.44 • 45. Ibidem. 31

De plus, la Belgique a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées le 30 mars 2007 avec une entrée en vigueur au niveau national le 1er août 2009. Les Nations Unies ont remis leur rapport d’observation à la Belgique en Octobre 2014. Plusieurs manquements sont soulignés qui rejoignent les observations d’Eurostat. Les Nations Unies regrettent que la représentation des personnes avec un handicap soit avancée comme des personnes avec une déficience et non comme des citoyens qui participent pleinement à la société. Le rapport regrette également que la focalisation en termes d’accessibilité soit faite sur les personnes avec un handicap physique et que ne soit pas pris suffisamment en compte l’accessibilité en termes auditifs, visuels, intellectuels et psychociaux. L’accès à l’emploi a, sans surprise, été jugé comme insuffisant, ainsi que l’absence d’enseignement inclusif. La représentation médiatique a également été jugée comme problématique par les Nations Unies. Globalement, la Belgique a donc encore beaucoup d’efforts à faire en termes de représentations et d’actions concernant le handicap. 4.4.2. Les mesures publiques A. LA LEGISLATION La loi nationale anti-discrimination de 2007 sur base du handicap n’a pas limité la notion d’handicap. Elle ne l’a pas enfermée dans un statut ou une reconnaissance officielle. Elle n’est pas uniquement liée aux personnes en relation avec les institutions publiques pour personnes souffrant d’un handicap. Par contre, la Cour de Justice des Communautés Européennes, dans son arrêt Chacon Navas46 jurisprudence. de 2006, a fait Elle a considéré que la notion de « handicap », au sens de la directive européenne, doit être entendue comme « une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques et entravant la participation de la personne concernée à la vie professionnelle ». La Cour insiste sur le fait que « pour qu’une limitation relève de la notion de ‘handicap’, il doit être probable qu’elle soit de longue durée ».47 La longue durée établie pour le handicap va ainsi, de facto, se différencier de « l’état de santé » défaillant qui est lui de courte ou moyenne durée. En matière de handicap, l’absence « d’aménagements raisonnables » peut constituer une discrimination sur le plan légal. Cela peut représenter un coût pour l’employeur, même si des interventions financières sont prévues par la Cocof (en termes d’accompagnement ou de développement d’infrastructures). En 2004, un Plan Diversité a été lancé dans tous les services publics fédéraux et les organismes d’intérêt public. Il vise une participation accrue dans la fonction publique fédérale des personnes d’origine étrangère, des femmes et des personnes handicapées. Le Service Public Personnel et Organisation (P&O) est chargé du suivi de ce plan. Il a créé une Cellule Diversité qui propose et développe des initiatives afin de promouvoir l’emploi des personnes handicapées et la mise en place d’aménagements raisonnables. Un réseau de responsables s’est créé dans tous les services publics fédéraux. L’Arrêté Royal du 5 mars 2007 organise le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique administrative fédérale. Celles-ci sont soumises Il instaure une liste spécifique (mais non obligatoire) composée de personnes handicapées. aux mêmes épreuves de sélection que les personnes sans handicap. Elles peuvent néanmoins bénéficier d’adaptations raisonnables en fonction de leur handicap, et ceci pour leur permettre de passer les épreuves sur un pied d’égalité avec les autres candidats. L’Arrêté Royal prévoit que les services publics fédéraux devront mettre au travail des personnes handicapées à concurrence de 3% de leur effectif à partir de 2010. Une commission est chargée de veiller au respect de cette nouvelle législation. 32

DISCRIMINATION ET HANDICAP BECI | livre blanc diversité B. Les mesures incitatives Les personnes porteuses d’un handicap sont en général considérées comme moins productives, moins autonomes et moins efficaces que les personnes valides. Tout cela représente un certain désavantage aux yeux des employeurs. Ces préjugés peuvent avoir des répercussions sur la sélection des travailleurs, que ce soit lors de leur invitation (ou non) aux entretiens d’embauche ou lorsque l’employeur procède au choix final. Afin de pallier aux difficultés des Ressources Humaines, les pouvoirs publics ont prévu différentes mesures notamment : • Au niveau fédéral, une intervention financière dans le salaire et les charges sociales de personnes handicapées est prévue dans la convention collective de travail n°26 concernant le niveau de rémunération des personnes handicapées occupées dans un emploi normal. Cette convention dispose qu’un employeur peut obtenir une subvention salariale allant jusqu’à 50% maximum de la rémunération conventionnelle minimale fixée par la commission paritaire ou, à défaut, par l’usage pour compenser la différence de rendement d’un travailleur handicapé. Le paiement de cette intervention est effectué par les institutions régionales et communautaires d’intégration. • Au niveau de la région Bruxelles-Capitale, une intervention financière de la Cocof peut être perçue par l’employeur en ce qui concerne l’adaptation du poste de travail. L’intervention est accordée à l’employeur et couvre les frais réellement exposés pour l’adaptation du poste de travail en fonction du handicap. Si l’adaptation consiste en l’achat d’un matériel spécialisé, l’intervention ne couvre que la différence entre le coût de ce type de matériel et celui du matériel standard. • Toujours au niveau de la région Bruxelles-Capitale, l’employeur peut percevoir une « prime d’insertion ». Celle-ci est accordée à l’employeur en vue de compenser la moindre productivité présentée par certains travailleurs du fait de leur handicap. Cette prime consiste en un remboursement d’une partie, ne pouvant excéder 65%, de la rémunération à charge de l’entreprise. Elle est fixée pour un an et peut être prolongée en fonction de la persistance de la perte de rendement.48 46. Affaire C-13/05 ChacónNavas, Cour de Justice des Communautés européennes • 47. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2009. Discriminations des personnes avec un handicap. Bruxelles. p.4 • 48. SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale. 2005. Clés pour les aménagements raisonnables au profit des personnes handicapées au travail. s.L. 4.4.3. Interview Exki : Mme Andrea Leponce Quelle est votre fonction au sein de votre entreprise ? « Talent Manager, responsable de la politique de développement et formation des personnes. » Si vous deviez raconter l’histoire de votre entreprise sur la diversité, que diriez-vous ? « Au lancement d’Exki en 2001, il n’était pas question de diversité. Le concept n’existait pas à cette époque. La seule idée que nous avions en tête était de recruter du personnel varié. En 2004, Nous avons reçu le CV d’une personne sourde… C’était une première… nous n’étions pas vraiment préparés. Mais comme nous cherchions à engager quelqu’un en production, nous avons voulu tenter l’expérience. De fil en aiguille, la diversité s’est installée naturellement et perdure car elle s’inscrit dans quelque chose de plus vaste à savoir le développement durable. Si je respecte l’environnement et je suis sensible aux enjeux du commerce équitable, je respecte aussi les personnes. La diversité a alors tout son sens et est vécue comme un enrichissement humain. » Quelles actions en diversité avez-vous menées ? Vers quels publics ? (femmes, handicap, origine étrangère, âge,…) « Etrangement, nous menons peu d’actions. Les cadres montrent l’exemple en recrutant des personnes variées. Tant que la diversité est présente, il n’y a rien à pousser. Nous ne voulons pas de quotas. D’autre formes de diversités sont possibles ; nous apprenons à nos managers, qu’une équipe gagnante est une équipe constituée de forces différentes (les analytiques, les empathiques, les gens centrés sur l’action, les bons commerçants…). » 33 Avez-vous constaté des effets positifs ? « • Les personnes sourdes ont certains sens beaucoup plus développés que les entendants. En général, les sourds détecteront plus vite un vol dans un restaurant. • La plupart des sourds savent lire sur les lèvres mais il faut veiller à bien se placer et ne pas tourner le dos. Se faire comprendre et adapter son rythme à l’autre apporte une valeur ajoutée de solidarité dans une équipe. » Rencontrez-vous des obstacles, des difficultés ? Si oui, lesquels ? « Pas vraiment. Je n’en connais pas. » Comment votre personnel, en général, s’approprie-t-il vos actions en diversité (tant le personnel en général que ceux qui bénéficient de vos actions) ? « Comme il n’y a pas d’action, je ne peux vraiment répondre à cette question. Je peux simplement vous dire que les équipes vivent cela très positivement et naturellement. » Envisagez-vous d’autres actions à l’avenir ? « Nous sommes en réflexion au sujet de : quelles adaptations faudra-t-il prévoir pour le personnel vieillissant ? » Quel regard porte vos clients/fournisseurs sur la diversité de votre entreprise ? « Ils sont comme nous, je pense qu’ils doivent se dire : cela fait partie du style d’Exki. » Avez-vous obtenu des certifications, labels, Awards ou autres pour vos actions ? « En 2007 : Charte de la diversité signée – Région Bruxelles Capitale ; En 2008 : Prix Cap48 de l’Entreprise citoyenne dans la catégorie Emploi PME ; En 2010 : Prix de l’Entreprise de l’année. »

V. L’ enseignement : socle de l’inégalité Les différentes étapes relevées précédemment ont pu donner un aperçu de la discrimination sur le marché de l’emploi. Mais afin de dresser une cartographie plus complète, il y a lieu de relever, en amont, les mécanismes de discrimination produit par les institutions publiques. Notre enseignement, notamment, est inéquitable et produit chaque jour, massivement, de l’inégalité de par sa construction institutionnelle. Il connaît depuis des décennies trois problèmes structurels majeurs : • Un taux d’échec annuel (donc de redoublement) important. En 2011, il était de 18 % à Bruxelles1 . • Un taux élevé de sortie des jeunes de l’enseignement secondaire sans diplôme. Aujourd’hui, un quart (25 %) des demandeurs d’emploi ne disposent que du diplôme de secondaire inférieur et 20 % ont comme plus haut diplôme celui du secondaire supérieur. Ce qui veut dire que près de la moitié des demandeurs d’emplois en RBC (46 %) ne disposent pas d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Si on prend les chiffres au niveau des jeunes, on voit que l’hémorragie ne s’arrête pas : aujourd’hui, près de 49,6 % des jeunes demandeurs d’emploi inoccupés (moins de 25 ans) ne disposent que du diplôme de secondaire inférieur ; c’est également le cas pour 26,7 % des 25-29 ans. À cela, s’ajoute le phénomène des jeunes ayant fait des études faiblement qualifiées à l’étranger, non reconnues en Belgique (7,3 % chez les moins de 25 ans et 12,1 % chez les 25-29 ans).2 • Par ailleurs, comme le soulignent les chiffres de l’OCDE, même quand la réussite est présente, les élèves de l’enseignement francophone présentent des performances globalement en-dessous de la moyenne des 64 pays de l’OCDE. La dernière étude PISA de 2012 confirme ces tendances. Ce qui n’est pas le cas de la Flandre, qui se situe en meilleure position, au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. L’enseignement francophone est donc une usine à production d’inégalités. Il ne joue pas son rôle d’ascenseur social et ne le fera pas tant que les pouvoirs publics ne prennent pas des dispositions structurelles pour transformer profondément l’enseignement et faire de celui-ci un moteur d’ascension sociale. Par ailleurs, Bruxelles est caractérisée par sa dualisation spatiale entre quartiers défavorisés et quartiers favorisés. Cette ségrégation socio-spatiale est reproduite par l’enseignement qui se divise globalement entre écoles populaires et écoles élitistes. Le décret inscriptions a voulu « limiter » cette réalité mais il passe, pour une part, à côté de sa fonction puisqu’il privilégie la proximité géographique. Un enseignement déficitaire n’est pas seulement catastrophique pour les jeunes sur le plan individuel, il l’est aussi pour l’ensemble de la société qui ne bénéficie pas de l’ensemble des talents en présence, qui pourraient porter Bruxelles vers l’excellence dans tous les domaines (scientifique, économique, politique…). L’inégalité sur le marché de l’emploi est donc d’abord le produit d’une construction sociale structurelle, qui se reproduit de manière permanente. Ce constat est également souligné par les entreprises. Près de 50 % des entreprises ont affirmé percevoir certaines lacunes dans la qualification des jeunes diplômés. Les entreprises insistent également sur le manque de connaissance du néerlandais, outil indispensable sur le marché de l’emploi bruxellois. Néanmoins, la thèse du déficit de qualifications ne peut expliquer entièrement la discrimination puisqu’elle touche autant les personnes diplômées qu’infra-qualifiées. Le tableau ci-contre (graphique 15) indique: « Les chômeurs peu qualifiés d’origine étrangère sont moins souvent chômeurs de longue durée. Les différences sont les plus importantes pour les chômeurs de longue durée peu qualifiés ayant pour origine un autre pays d’Europe (15 points de pourcentage), d’Afrique hors Maghreb (16 points de pourcentage), d’Amérique Centrale ou du Sud (15,1 points de pourcentage) et d’Asie (15,1 points de pourcentage). Pour les chômeurs hautement qualifiés, c’est le contraire. On constate une proportion plus élevée de chômeurs de longue durée originaires de l’UE-12 (7,6 points de pourcentage), du Maghreb (5,9 points de pourcentage), d’Afrique hors Maghreb (8,4 points de pourcentage), d’Amérique Centrale ou du Sud (4,8 points de pourcentage) et d’Asie (2,9 points de pourcentage). »3 Pourtant, il est possible d’améliorer notre enseignement facilement sans devoir passer des moyens budgétaires déraisonnables. Le bureau McKinsey s’est spécialisé dans les recherches sur l’enseignement et a pu ainsi établir les clés du succès des systèmes Graphique 14 : De manière générale, percevez-vous certaines lacunes dans la qualification des jeunes diplômés ? 0% Vrai, précisez Faux Je ne sais pas 10% 20% 30% 40% 50% 34

BECI | livre blanc diversité scolaires les plus performants.5 Ces systèmes, les plus performants au monde, se regroupent autour de 4 axes : > INCITER DES PERSONNES DE QUALITÉ À DEVENIR ET À RESTER ENSEIGNANTS Les recherches réalisées par le bureau McKinsey ont démontré que la qualité des enseignants est un facteur clé de réussite ; ceci explique, bien plus que la taille des classes, les différences de niveau entre élèves. Les qualités essentielles sont : la maîtrise des compétences dans les matières enseignées, la motivation à enseigner, les compétences de communication et d’intelligence émotionnelle, l’aptitude à la résolution de problèmes, la capacité et la volonté de se remettre en question tout au long de la carrière, l’ouverture au travail en équipe… Enseigner est donc un métier important et exigeant. La valorisation doit pouvoir suivre ces exigences. Les systèmes les plus performants recrutent les futurs enseignants parmi les meilleurs élèves de l’enseignement et proposent des salaires adaptés, en adéquation avec ceux des autres diplômés. > AMÉLIORER DE MANIÈRE CONTINUE LES PRATIQUES PÉDAGOGIQUES DANS LES SALLES DE CLASSES Un enseignement de qualité est la somme des pratiques de chaque enseignant. Pour doter l’ensemble des enseignants des outils de performance individuelle, les établissements ont développé les démarches suivantes : • Le renforcement des compétences pratiques lors de la formation des enseignants ; • Le développement systématique du tutorat pour les nouveaux enseignants dans chaque établissement ; • Le développement d’une culture structurelle de travail en équipe au sein de chaque établissement. Préparations collectives, réflexions communes, mentorat… sont des facteurs de réussite ; • Le partage des bonnes pratiques entre enseignants, écoles et groupes d’écoles ; • Le financement de la recherche sur l’innovation pédagogique. > METTRE EN PLACE DES ÉQUIPES DE DIRECTION DE QUALITÉ Les directions exercent un rôle central dans les facteurs de réussite des élèves. Des directions de qualité peuvent contribuer à améliorer de 10 à 20 % les résultats des élèves.6 La sélection et la formation des directions d’écoles est rigoureuse dans les meilleurs systèmes scolaires du monde. Trois missions claires sont assignées à ces directions performantes : • Veiller à l’amélioration des pratiques pédagogiques des enseignants ; • Instaurer une collaboration continue entre collègues, entre les parents et les acteurs pédagogiques… ; • Veiller à un environnement de travail de qualité pour les enseignants et les élèves. > VISER LA RÉUSSITE DE CHAQUE ÉLÈVE POUR AUGMENTER LA RÉUSSITE GLOBALE DU SYSTÈME L’accès, pour chaque enfant, à un enseignement de qualité. Les systèmes les plus efficaces, après avoir fixé des objectifs de performance, interviennent à deux niveaux pour le succès de chaque élève : au niveau des écoles et au niveau des élèves. • Au niveau des écoles, plusieurs moyens sont développés : des rapports de performance sont établis pour renforcer la sensibilisation des responsables (directions et pouvoirs organisateurs) ; un financement différencié pour les écoles qui accueillent des élèves issus de milieux défavorisés ; le remplacement ou renforcement d’équipes de direction défaillantes. • Au niveau des élèves : des interventions individuelles rapides par des enseignants spécialisés. L’ensemble de ces programmes présente des résultats positifs et placent les pays qui les ont développé parmi les plus performants. Les études indiquent qu’une amélioration significative peut être obtenue en seulement 6 ans en suivant ces programmes, quel que soit le point de départ d’un système scolaire. Graphique 15 : Ecart de chômage de longue durée (plus d’un an) chez les chômeurs du 4e trimestre 2008 par rapport aux Belges d’origine, par origine et niveau d’éducation (en points de pourcentage)4 10 -10 -5 0 5 -15 -20 UE-14 n Primaire n Secondaire n Supérieur -1,2 1,6 1,9 UE-12 -5,9 2,0 7,6 Candidat UE -4,2 -1,5 1,5 Autre Européen -15,0 -1,8 2,6 Maghrébin -1,5 2,9 5,9 Autre Africain -21 -2,1 8,4 1. Enseignons.be asbl. 2013. Le Taux d’échec varie selon le basin scolaire. Site web sur internet. Voir: <http://www.enseignons.be/actualites/2013/08/07/echec-scolaire-bassin • 2. Sud/Centre Américain -15,1 -2,2 4,8 Asiatique -15,1 -1,2 2,9 Source: Datawarehouse marché du travail et protection sociale, BCSS. Calculs et traitement: SPF ETCS Observatoire Bruxellois de l’emploi.2013. Jeunes dans la précarité. La position des jeunes adultes vis-à-vis du marché de l’emploi en RBC. Bruxelles. p.11. • 3. Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. p. 200 • 4. Ibidem. • 5. McKinsey&Company. 2007. « Les clés du succès des systèmes scolaires les plus performants ». Bruxelles • 6. Waters, Tim, “School leadership that works”, 2003 ; Robinson, Viviane, “School leadership and student outcome”,2007 35

VI. Les entreprises : entre questionnements et ajustements La diversité dessine une trame inscrite dans un tissu plus large : celui des ressources humaines, dont le cadre est notamment déterminé par des mesures politiques. À cet égard, les charges patronales sur le travail, en Belgique, ne favorisent pas la création d’un tissu qui soit souple et large en termes de diversité. Cette situation défavorable construit, en matière de recrutement, des comportements spécifiques : par exemple, des employeurs qui, en raison des coûts, préfèrent recruter des profils multitâches plutôt que plusieurs profils. La décision du nouveau gouvernement de ramener ces charges à 25 % constitue un bon pas en avant pour le déploiement des ressources humaines. C’est sur cette base que les entreprises invitent la diversité à travers leur personnel et, de plus, s’y engagent à différents degrés. L’inscription de cette diversité au sein des entreprises se fait de quatre manières différentes selon le profil des entreprises. La première forme perçue par les chercheurs en matière de diversité est une négation de la discrimination1 , perçue comme inexistante dans la pratique ou ne concernant pas les entreprises. C’est une position qui n’est pas souvent perçue par les recruteurs et qui n’ouvre pas vers des perspectives de diversité. La deuxième forme rencontrée dans les entreprises est une inscription naturelle de la diversité au sein des équipes. Ce profil d’entreprises ne fait pas nécessairement appel aux outils de la diversité (plan, charte…) ou à des actions spécifiques (formations, management de la diversité, consultant en diversité…). Une troisième forme de diversité se rencontre de manière plus « inopinée » : l’entreprise, dans sa gestion des ressources humaines, se trouve confrontée à des demandes particulières, des comportements sociaux spécifiques… et s’interroge fortement sur la légitimité de ces demandes. Dans ce cadre, les entreprises sont plutôt dans des attitudes réactives. Les actions des entreprises vont plutôt viser à « rencontrer des problèmes concrets qui se posent dans l’organisation, à réduire les dysfonctionnements liés à une main d’œuvre de plus en plus hétérogène, à supprimer les tensions ressenties par cette hétérogénéité. »2 Dans ces actions réactives, les entreprises peuvent se retrouver démunies face à des questions concrètes ; elles cherchent le pouls entre liberté individuelle et la bonne continuité des services, tant en interne qu’à l’égard des clients et services extérieurs. En matière de handicap, la notion « d’aménagement raisonnable » a été inscrite dans les textes juridiques et apporte un certain confort sur le plan légal. 36

BECI | livre blanc diversité Sur le plan culturel ou cultuel, où on parle plutôt « d’accommodements raisonnables » ; leur inscription au sein des entreprises relève souvent d’une gestion informelle.3 Mais en cas de difficultés, qui peuvent parfois être résolues simplement avec un médiateur culturel, l’orientation parfois prise est de faire appel à l’arsenal juridique dont il semble communément admis qu’il ne peut résoudre, à lui seul, les questions de la diversité même si son cadre est nécessaire. Par ailleurs, une autre difficulté pour les entreprises est la « diversité dans la diversité », à savoir la multiplicité de cette diversité au sein d’une même culture ou d’un même culte ou en matière de genre, de handicap et d’âge… Avoir des collaborateurs d’origine étrangère implique une gestion de la diversité très différente selon les personnes qui sont parfois croyantes – mais pas nécessairement – ou croyantes mais laïques. Et lorsque les collaborateurs affichent leur croyance spirituelle, il y a une pluralité dans la manière de la vivre au quotidien selon la branche du culte (exemple de l’islam : sunnisme, chiisme, soufisme…) ou le parcours pédagogique spirituel. Les entreprises se trouvent donc face à des demandes ou des comportements très différents au nom d’une même foi, sans pouvoir trancher sur leur légitimité, à la fois sur le plan religieux ou juridique. Des questions sociales larges s’invitent donc dans les entreprises avec toutes les difficultés et les ajustements que cela peut représenter. Ces questions interrogent à la fois les recruteurs et les travailleurs sur la question de la norme. Cette interrogation est en soi positive en matière de diversité. « La diversité n’existe que par rapport à une norme consciente ou inconsciente. Il s’agit donc d’identifier la norme, de la questionner et de la transformer. »4 Dans un quatrième cas de figure, il arrive heureusement que la diversité s’invite aussi de manière très positive. Certaines entreprises s’inscrivent alors dans une vraie dynamique et mettent en place des stratégies d’action positives. Ces actions visent « à mobiliser l’organisation autour d’objectifs sociaux (responsabilité sociale et lutte contre les discriminations), mais aussi à créer de la valeur ajouté interne et externe autour de cette diversité : mieux rencontrer les besoins des usagers et de la clientèle, faire face à une pénurie de main d’œuvre, introduire plus de mixité et de diversité dans certains métiers et dans certains fonctions, susciter plus de créativité et d’innovation, par exemple ».5 Les entreprises dotées de ces profils sont non seulement convaincues par la diversité mais la considèrent comme une plus-value forte. Elles vont aussi se faire accompagner pour la diversité et vont notamment faire appel à des consultants en diversité ou s’inscrivent, de manière structurelle, dans un management de la diversité. Ainsi, le regard et l’approche des entreprises en diversité sont très variés. Cette diversité d’appropriation se trouve en relation avec des questionnements, des tensions et des ajustements spécifiques. C’est pourquoi l’accompagnement des entreprises, à cet égard, doit nécessairement être ajusté à chacune d’elles. 1. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme & Business et Society Belgium. 2006. L’entreprise et la diversité : quelles mises en pratique ? Bruxelles.p.11. 2. Ibidem. 3. ADAM Ilke & REA andréa. 2010. La diversité culturelle sur le lieu de travail : pratiques d’aménagements raisonnables. Bruxelles 4. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme & Business et Society Belgium. 2006. L’entreprise et la diversité : quelles mises en pratique ? Bruxelles 5. Ibidem. 37

VII. Déconstruire la discrimination pour constuire la diversité 7.1. Génèse L’inégalité et l’iniquité sont donc structurellement inscrites dans notre société et ces iniquités se multiplient proportionnellement aux caractéristiques que portent les personnes. Mais derrière les mécanismes discriminatoires, il y a différents mécanismes de construction. Si on enferme souvent les mécanismes de discrimination dans un sexisme « simplement » sexiste ou dans un racisme « simplement » raciste, ils ne sont pas exhaustifs de la discrimination, même si une part des comportements discriminatoires s’inscrit clairement dans ces mécanismes. L’autre versant des discriminations est à lire sous l’angle des constructions sociales : «…il faut prendre acte et rendre compte de la construction sociale des structures cognitives qui organisent les actes de construction du monde et de ses pouvoirs. »1 Les comportements humains sont le prolongement de dispositions internes, des « habitus » qui sont « un ensemble de dispositions durables, acquises, qui consiste en catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales. Acquis au cours de la prime éducation et des premières expériences sociales, il reflète aussi la trajectoire et les expériences ultérieures : l’habitus résulte d’une incorporation progressive des structures sociales. C’est ce qui explique que, placés dans des conditions similaires, les agents aient la même vision du monde… »2 Ainsi, toute interaction humaine, y compris professionnelle, s’établit au départ d’habitus qui sont des schèmes de percep38 tion, d’appréciation et d’action inscrits dans le corps des agents en interaction.3 Les actes d’organisation des ressources humaines n’échappent pas aux habitus. C’est pourquoi les comportements discriminatoires sont parfois silencieux, ils sont même, pour une part, inaudibles dans l’interaction discriminante et peuvent rester invisibles à ceux même qui les posent. Ils s’exercent « comme par magie, en dehors de toute contrainte physique ; mais cette magie n’opère qu’en s’appuyant sur des dispositions déposées, tels des ressorts, au plus profond des corps.» 4 Ainsi, même si les comportements discriminatoires s’inscrivent tous de la même façon, il y a lieu d’en faire une lecture chirurgicale quant à leur genèse. Ce sont les habitus qui vont construire les comportements de recrutement sur le marché de l’emploi. Ils vont, notamment, faire privilégier, inconsciemment, les hommes aux fonctions supérieures. Les recruteurs vont également avoir des réserves, sans le percevoir, à engager quelqu’un dont ils seront le supérieur, parce que le futur employé est plus âgé qu’eux. Des dispositions individuelles vont également faciliter le recrutement de personnes dont la culture est commune. Ainsi des trajectoires sociales « mono-culturelles » peuvent engendrer des pratiques sociales – et des pratiques RH - « mono-culturelles ». Ces trajectoires vont également faire privilégier, lors du recrutement, des personnes qui partagent les mêmes disponibilités au

BECI | livre blanc diversité niveau des sens physiques, sensoriels et psychiques. Lorsqu’on interroge d’ailleurs les entreprises sur les trois principaux freins qu’elles rencontrent en termes de diversité, elles soulignent plusieurs éléments et notamment les habitus : • Le manque de qualifications (compétences). • Les habitus (manque d’information, incertitudes, habitudes GRH,…) • Les problèmes d’infrastructures Et derrière les habitudes, il y a ce dont on n’a pas l’habitude. L’adage « l’inconnu fait peur » est vrai, y compris en matière de ressources humaines. Ces peurs sont nombreuses et variées, individuelles et universelles, et méritent d’être approchées pour mieux les dépasser. Il y a lieu également de tenir compte de l’autre volet de la discrimination, qui participe directement aux processus, à savoir l’auto-discrimination. Si cette dernière se construit également à partir des préjugés et des stéréotypes, elle doit être prise en compte par les publics concernés (femmes, personnes d’origine étrangère, les personnes avec un handicap,…) pour pouvoir se dégager, notamment avec des coaches, de cette position et se déployer pleinement sur le marché de l’emploi. Car les recherches ont ainsi pu démontrer que ces publics vont avoir des comportements d’auto-discrimination et par ricochet d’auto-exclusion. En ce qui concerne l’égalité de genres, les données montrent notamment des comportements d’auto-exclusion des femmes pour les fonctions supérieures à des degrés divers: certaines n’y pensent pas du tout, d’autres s’y avancent mais à reculons,… Il en va de même pour les personnes d’origine étrangère qui vont parfois ne plus être dans une recherche active d’emploi ou postuler uniquement à des fonctions en-dessous de leurs qualifications. Ces personnes vont également avoir , des comportements d’auto-discrimination, identiques à ceux des femmes, pour les fonctions hiérarchiques supérieures. Et lorsque les deux caractéristiques se cumulent, l’auto-discrimination peut être plus forte… En termes d’handicap et d’âge également, la manière dont la personne porte et vit son handicap ou son âge va jouer un rôle sur le marché de l’emploi. Ainsi, les habitus vont faire discriminer mais également auto-discriminer. Mais les habitus peuvent se transformer et ce par les mêmes voies que leurs inscriptions : l’inculcation et l’incorporation.5 Le travail d’inculcation peut se faire par la voie pédagogique, que ce soit à travers le parcours scolaire ou dans le parcours professionnel (à travers des séminaires, des formations,…) qui vont déconstruire les schèmes de perception, d’appréciation et d’actions. La véhiculation des préjugés et stéréotypes négatifs par les médias, qui participent à la construction d’habitus, doit également être profondément pensée. C’est également par l’incorporation que les « habitus » se construisent, et c’est par l’incorporation qu’elles peuvent se déconstruire. Aussi une incorporation de la diversité dans la structure même des entreprises, avec un accompagnement adéquat, contribuera à construire des habitus positifs en diversité. Cela devra notamment passer par une gestion des ressources humaines traversée par des « actions positives ». Ces actions ont été développées par un certain nombre d’entreprises et constituent le catalogue des bonnes pratiques cicontre. Graphique 16 : Selon moi, les freins au développement d’une politique de diversité plus ambitieuse dans mon entreprise sont : (Trois réponses possibles) 0% Infrastructures : bâtiment et bureaux inadaptés Compétences : résultats aux tests à l’embauche GRH : habitudes de recrutement Incertitude : peur de l’inconnu, inconfort, appréhensions Manque d’information Syndicats réfractaires Autres ? Précisez 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 1. BOURDIEU, Pierre, La domination masculine, Paris, Editons du Seuil, 2002. p. 62 • 2. Anne-Catherine Wagner, « Habitus », Sociologie [En ligne], Les 100 mots de la sociologie, mis en ligne le 01 mars 2012, Voir : http:// sociologie.revues.org/1200 • 3. BOURDIEU, Pierre, La domination masculine, Normandie, Editons du Seuil, 2002. p. 59 • 4. Ibidem. 39

7.2. Les atouts de la diversité Si la diversité est une question d’égalité et d’éthique, elle est aussi une réponse économique. L’enquête de BECI a révélé que plus de 30 % des entreprises envisagent d’augmenter la diversité dans leur entreprise à court ou moyen-terme et 67 % ne l’envisagent pas. Pourtant, celles engagées en diversité ont compris le potentiel économique et ont pu découvrir que la diversité améliore leurs performances économiques. Ces performances économiques sont dues à plusieurs méthodes : > LE DEVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES Développer la diversité au sein des ressources humaines, c’est disposer d’une multitude de talents qui vont amplifier les résultats car chaque forme de diversité apporte sa particularité qui bonifie l’ensemble. En ayant du personnel aux potentiels différents, les entreprises sortent notamment des schèmes de « pensée unique » et monolithique qui rigidifient le développement de l’entreprise. • Le genre Les études qui démontrent la corrélation entre des équipes managériales féminisées et des bilans financiers bonifiés ne se comptent plus. Citons notamment celle de la banque Crédit Suisse : « Les entreprises comptant + de 15 % de femmes à la direction générale ont dégagé un retour sur fonds propres moyen de 14,7 % contre seulement 9,7 % pour les compagnies en comptant moins de 10 %. »6 Ces performances sont notamment dues au fait que l’entreprise bénéficie d’atouts managériaux différents mais complémentaires en termes de genre. En effet, la vision, l’approche des situations, la mise en pratique des projets sont généralement différents mais ampliatifs de par leur complémentarité. • L’âge Investir dans l’âge, c’est disposer d’un capital savoir bonifiant pour l’entreprise. En effet, un collaborateur âgé possède ce que les diplômes n’apportent pas : l’expérience. Elle donne un capital de ressources pour développer des projets : un travailleur âgé en a déjà beaucoup développé ou en a vu beaucoup se développer. Il sait, d’expérience, ce qui marche ou moins bien. Il a par ailleurs assisté à une multitude de situations à résoudre et trouvera donc rapidement des solutions à des problèmes de terrain. Il a été constaté qu’il faut en moyenne 14 mois à un senior pour transmettre tout son savoir à un jeune. Ce sont 14 mois de capital savoir dont l’entreprise bénéficie en engageant un senior.7 Par ailleurs, il a été démontré que les collaborateurs seniors ont une meilleure résistance au stress: leur vécu les rend moins émotifs en cas de difficultés. Ce qui est particulièrement intéressant lorsqu’on sait que la résistance au stress influe sur la rapidité d’exécution mais aussi sur l’absentéisme. • L’ascendance étrangère Les personnes d’ascendance étrangère ont généralement des schèmes de pensée bi-culturels. Une carte mentale élargie qui apporte créativité et innovation à l’entreprise. De plus, disposer d’un personnel qui parle d’autres langues que les langues nationales permet, en cas de besoins, de mieux accueillir et servir la clientèle. Le dernier Taalbarometer montre le top 8 des langues parlées à Bruxelles, par ordre d’importance : français, anglais, néerlandais, arabe, espagnol, allemand, italien et turc. Les Diables Rouges, qui figurent aujourd’hui dans le top 5 mondial, apparaissent comme le reflet (gagnant) d’une société multiculturelle. Disposer de collaborateurs qui parlent d’autres langues, en plus des langues nationales, c’est pouvoir accueillir toutes les clientèles et répondre à leurs besoins. • Le handicap Contrairement à ce qui est véhiculé par les stéréotypes, les personnes en situation de handicap, moyennant les adaptations nécessaires, ont une performance égale à une personne sans handicap. Ces personnes sont par ailleurs plus souvent conscientes des problèmes de sécurité au travail et ont une faculté de prévention très développée. Par ailleurs, travailler avec des collaborateurs en situation de handicap permet de mieux comprendre et anticiper les besoins de la clientèle également en situation de handicap. > MIEUX TOUCHER LA CLIENTELE “We understand the business case: in the marketplace, the face of our 75 million consumers is changing and we must resemble it; we need to understand the market and design the relevant products or services, fitting with the needs of our clients and consumers.” (Jean-Michel Monnot, Managing Diversity, Sodexo). Avoir des collaborateurs qui ressemblent à la clientèle (en termes de genre, d’âges, de cultures,…) permet de mieux la comprendre et donc de mieux cerner leurs besoins pour y répondre. A Bruxelles, la clientèle est composée comme telle : • 35 % de la population a plus de 45 ans • 65,9 % de la population bruxelloise de 18 à 60 ans est d’origine étrangère (soit de nationalité étrangère, soit né avec une nationalité étrangère soit dont un des parents est né avec une nationalité étrangère). • En Belgique, plus de 10 % de la population entre 15 et 64 ans est porteuse d’un handicap ou d’une maladie chronique. L’ensemble de cette population constitue la clientèle des entreprises bruxelloises, et donc une source de développement économique pour autant que les entreprises aient les équipes pour mieux comprendre et toucher cette clientèle. 40

BECI | livre blanc diversité > DES FORMATIONS EN DIVERSITE Les formations en diversité ont grandement montré leur efficacité que ce soit en matière de genre, d’âge, de culture, de handicap,… Elles permettent de mieux comprendre et voir les mécanismes inconscients de discrimination et donc de les dépasser. Il existe différentes déclinaisons selon les besoins et le degré de diversité que l’entreprise veut atteindre : • Manager de la diversité • Handicap et entreprises • Gestion réussie de la diversité • Recrutement neutre • Management interculturel • La diversité : les premiers pas • … Des séances de sensibilisation et/ou de formation (selon la taille de l’entreprise) à l’égard du personnel ont également montré leur pertinence. Elles permettent aussi une meilleure adéquation entre les différentes équipes issues de la diversité pour unifier les équipes autour d’un projet collectif : le projet de l’entreprise. > ELIMINER LE RISQUE REPUTATIONNEL Il ressort des études que la discrimination n’est pas forcément visible ni intentionnelle puisqu’elle est construite, pour une part, à partir d’habitus : des schèmes de perception, d’appréciation et d’action, socialement construits chez chaque individu, et qui « dirigent » les comportements de recrutement. Or, en cas de plainte pour discrimination, les coûts directs et indirects peuvent être conséquents car la charge de la preuve est aujourd’hui, selon la loi, du côté de l’employeur qui doit prouver la non-discrimination. Les coûts sont à la fois ceux liés au procès, aux dédommagements éventuels mais également ceux liés à une réputation négative qui peuvent être durables et conséquents. Le risque réputationnel est donc important et nécessite des actions de prévention ciblées. 7.3. Les bonnes pratiques Les pratiques ci-dessous ont été mises en place par des entreprises. Loin d’être exhaustives, elles sont néanmoins des pratiques inspirantes pour les entreprises qui désirent initier, développer ou compléter les actions en diversité en leur sein. Les entreprises avancent souvent en commençant par une seule forme de diversité mais il est communément admis qu’une solidarité naturelle s’installe peu à peu avec d’autres formes diversités. 7.3.1. Toute diversité confondue > EDIV « EDIV » est un outil public d’apprentissage en ligne (e-learnig) qui offre différents atouts : • Formation en ligne gratuite sur les lois anti-discrimination • 120 cas concrets, avis juridiques et conseils aux managers • Un forum pour échanger questions et bonnes pratiques L’ensemble des outils est disponible sur : www.ediv.be 5. Ibidem. • 6. LAUWERS, Michel. Les femmes managers rapportent toujours plus gros. L’Echo. Samedi 10 janvier 2015 • 7. Goodwill Management : Diversité du capital humain et performance économique de l’entreprise. Voir : http://www.goodwill-management.com/nos-publications.html > LES ENTRETIENS D’EMBAUCHE MIXTES Les recruteurs font passer les entretiens d’embauche à deux, ou bien le candidat est vu par deux personnes différentes dans un intervalle différent. Les recruteurs peuvent percevoir des choses différentes et faire une lecture différente de ce qui est perçu du candidat. Les points de vue se complètent et s’objectivent naturellement. La composante existe également pour l’évolution vers des postes à responsabilité. Les actions et les choix sont faits par deux personnes de sexe différent qui permettent une vision différente mais complémentaire. > LA MIXITE DES GROUPES Outre la sélection et le recrutement, la diversité devient une réussite lorsqu’elle est mixée en termes de genres, d’âge, de cultures, de handicap,… C’est le mélange des équipes qui fait que les équipes s’enrichissent mutuellement. Chaque personne apporte sa complémentarité et sa plus-value à l’équipe, qui déploie ainsi une plus grande performance. Les jeunes profitent du capital savoir et de l’expérience des plus âgés ; les jeunes apportent innovation. Les cartes mentales en termes de genre, de cultures,… se complètent et s’enrichissent mutuellement au sein des équipes. Chacun bonifie l’ensemble par sa particularité. > UN (AUTO)-DIAGNOSTIC INTERNE Le simple fait d’avoir réalisé un diagnostic interne, tant à l’horizontale qu’à la verticale, permet d’avoir une vision de ses collaborateurs et d’être attentif à la diversité dans ses équipes. Ce diagnostic, remis aux recruteurs, donne une perspective qui fait que les ressources humaines donnent plus de place à la diversité et construisent à l’intérieur de l’entreprise d’autres pratiques. > LES ENTRETIENS DE SORTIE Les entretiens de sortie sont effectués lorsqu’une personne quitte l’entreprise pour un autre emploi ou qu’elle prend sa (pré) pension. Ils sont particulièrement intéressants car ils permettent d’avoir un retour des aménagements à prendre en considération en matière de gestion RH et du développement de l’entreprise. Ils permettent également d’avoir un retour pertinent des personnes issues de la diversité et des améliorations à faire pour mieux l’intégrer. 41

> LES OFFRES D’EMPLOI Il arrive aussi que les entreprises mettent dans leur offre d’emploi quelques mots concernant la diversité. Il s’agit souvent d’une phrase qui invite tous les publics à postuler quel que soit l’âge, le genre, la culture, le handicap,… > RESEAU DIVERSITE INTERNE Les grosses et les petites entreprises mettent en œuvre la diversité de manière différente. Les grosses entreprises développent souvent des réseaux internes de responsable en diversité : Diversity Manager. Un réseau est ainsi créé au sein des entreprises qui se réunit régulièrement pour : • Partager les expériences positives comme négatives • Travailler ensemble sur les points d’amélioration • Trouver des actions innovantes • … > LE VOLONTARIAT D’ENTREPRISE : DES SALARIES POUR LES FUTURS SALARIES Il s’agit d’une pratique où des salariés mettent quelques heures par mois de leur temps à disposition de demandeurs d’emplois. Outre le fait que le demandeur d’emploi bénéfice de conseils et d’un coaching d’un salarié, il le met en confrontation direct avec la vie de l’entreprise, sa réalité, sa culture, ses besoins, ses exigences,… Par ailleurs, le demandeur d’emploi (qu’il soit en situation de handicap, plus âgé, d’origine étrangère,…) bénéficie d’un réseau social (élément positif dans la recherche d’emploi) auquel il ne bénéficie plus de par son retrait socio-professionnel souvent long. 7.3.2. Diversité genre > LES « ROLE MODELS » Une autre méthode qui fonctionne naturellement est d’avoir des « role models » dans les sphères hiérarchiques supérieures notamment en matière de genre. Les données montrent que, même en n’ayant pas de politique pro-active, le simple fait de placer une personnalité féminine à un poste de direction amène une féminisation évolutive dans les promotions au sein de l’entreprise. Le fait d’avoir des personnes qui nous ressemblent amène une identification naturelle du bas vers le haut mais également du haut vers le bas. Les équipes se modifient peu à peu positivement et facilement en matière de diversité. > PROGRAMME D’ASSERTIVITE Dans beaucoup d’entreprises, le personnel féminin bénéficie de programmes d’assertivité. Ces programmes, outre leurs effets positifs en termes de comportements et de communication, ont également un impact sur l’auto-discrimination du personnel féminin. En effet, il est communément admis que les femmes développent des comportements d’auto-discrimination par rapport aux fonctions à responsabilité. Ces programmes d’assertivité amènent les femmes à se positionner différemment et donc à être vues différemment. De ce fait, un changement naturel et subtil se passe à l’intérieur à l’entreprise qui mène les femmes vers des postes à responsabilité. > PRATIQUE SALARIALE NEUTRE Les entreprises ayant avancé dans cette démarche ont commencé par effectuer un screening des rémunérations pour mesurer les éventuels écarts salariaux en matière de genre. Les entreprises s’étant penchées sur cette action ont adopté un canevas basé sur des indicateurs objectifs en termes de rémunération (diplôme, années d’expériences, ancienneté,…) Cette action permet, par ailleurs, de se mettre en adéquation avec la législation actuelle, qui impose désormais aux entreprises de plus de 50 travailleurs, de rentrer tous les deux ans une analyse montrant que la politique de rémunération est neutre sur le plan du genre. > TELETRAVAIL Le télétravail et une flexibilité des horaires permettent non seulement une meilleure adéquation entre vie priviée et vie professionnelle, mais elles permettent aussi au personnel féminin, de rester, sur le marché de l’emploi sans devoir choisir entre une vie professionnelle ou une vie privée. Les femmes, qui portent plus souvent les charges familiales, peuvent ainsi rester plus longtemps dans leur vie professionnelle et évoluer vers les échelons supérieurs. 7.3.3. Diversité âge > EXPERIENCE@WORK Il s’agit d’une plate-forme où les collaborateurs seniors sont en partie employés à l’extérieur de l’entreprise. L’expertise des collaborateurs seniors est connue ; pourtant certaines organisations (PME notamment) ne peuvent s’en permettre le coût. Et d’autre part, certaines entreprises ont des collaborateurs seniors dont les talents ne sont pas totalement exploités. 42

BECI | livre blanc diversité Cette plate-forme réunit les entreprises demandeuses de talents seniors et les entreprises les ayant. Les collaborateurs seniors de ces dernières, peuvent, s’ils le souhaitent avoir des missions externes auprès d’autres entreprises. Un contrat de services est ensuite conclu dont la durée est variable : mission courte, moyenne ou à durée indéterminée… Le bénéficie est pour tout le monde : les seniors se ressourcent au soir de leur carrière, les petites organisations bénéficient d’un capital savoir à un coût abordable,... > MENTORAT Le mentorat est particulièrement utilisé concernant la diversité de genre et/ou d’âge. En termes de genre, les entreprises développent des actions où les cadres dirigeants suivent des femmes, chaque année, pour les initier aux fonctions dirigeantes. Les femmes apprennent ainsi le métier et les dirigeants peuvent percevoir les différents talents en développement pour les futurs postes à responsabilité. Il existe également sa composante en termes d’âge. La procédure est identique : les équipes fonctionnent en binôme. Les plus âgés transmettent leur savoir, leur sagesse professionnelle et les plus jeunes apportent innovation et nouvelles idées à l’équipe. 7.3.4. Diversité et origine étrangère > LE MANAGEMENT INTERCULTUREL Si, de manière générale, la diversité nécessite d’être bien managée pour être réussie, c’est particulièrement vrai dans le cadre de la gestion interculturelle. Les entreprises ayant développé le management interculturel ont formé leur cadre dans ce sens. Ils disposent ainsi de différentes clefs de lecture des comportements culturels et, par ces clefs, créer une homéostasie porteuse de performance. Car les comportements sont socialement construits et sont issus de normes, de valeurs et de croyances ; de même que leurs interprétations. C’est pourquoi, peuvent naître des malentendus ou des incompréhensions qui peuvent être dépassés en ayant les outils nécessaires. > OUVERTURE PLUS LARGE DES JOBS ETUDIANTS ET DES STAGES Les entreprises qui se sont engagées dans cette démarche ont fait une double démarche : ouverture des jobs étudiants au-delà des enfants du personnel et ouverture à un public issu de la diversité. Les avantages sont à la fois pour les jobistes et pour les entreprises. Il est, en effet, démontré que les jobs étudiants améliorent de façon significative l’accès à l’emploi. 8 Ils sont donc, avec les stages, une bonne porte d’entrée sur le marché de l’emploi à la fois pour les futurs travailleurs et pour les entreprises. Celles-ci en tirent également une source de recrutement futur avec des jeunes qui ont appris à connaître l’entreprise, ses besoins, ses exigences, sa culture,… > LA FORMATION DES TRAVAILLEURS PEU QUALIFIES A L’INTERCULTURALITE Beaucoup de jeunes connaissent un chômage de longue durée et, étant donné la dualisation socio-spatiale de Bruxelles, connaissent un retrait social important. Aussi, certaines entreprises ont développé des programmes à l’égard des nouveaux engagés visant à s’approprier les codes et usages sociaux communs. Ces programmes permettent également au public issu de la diversité de mieux lier ses schèmes bi-culturels. Il y a également, à travers ces programmes, une sensibilisation à la culture d’entreprise qui a sa propre culture tout comme chaque secteur professionnel a sa propre culture (la culture médicale, la culture syndicale, la culture politique,…) Ces outils donnent ainsi aux travailleurs des clefs de lecture pour participer au mieux à leur nouvelle fonction. En cas de difficultés, peuvent également intervenir des médiateurs culturels dans les processus de gestion de ressources humaines. 7.3.5. Diversité handicap > UN INTRANET D’APPRENTISSAGE Le temps manque souvent en interne pour former et accompagner l’ensemble du personnel à l’interaction avec des collaborateurs en situation de handicap (malvoyant, malentendant,..). Des entreprises ont recours à un guide pratique à usage interne qui permet aux collaborateurs de saisir la politique de diversité de l’entreprise mais également de recevoir directement les outils pour l’interaction avec les personnes en situation de handicap. Exemple : interagir avec une personne malentendante (souvent en lecture labiale) ; ne pas mettre sa main devant la bouche, ne pas finir ses phrases en tournant le dos,… > L’ONGLET “ ADAPTATION(S) NECESSAIRE(S) ” En matière d’handicap, les entreprises accompagnent leur offre d’emploi d’une invitation à signaler les éventuelles adaptations nécessaires à la sélection et à la mise à l’emploi du candidat en situation de handicap. Cela permet tant au candidat qu’au recruteur de se concentrer sur les qualifications et les exigences du poste vacant. Par ailleurs, les candidats se sentent ainsi pleinement accueillis, ce qui permet de diminuer les éventuels risques d’auto-discrimination. > UN STYLO POUR PARLER Les aménagements raisonnables sont nombreux et ont différentes formes : matériaux, humains,… Un aménagement humain, pour une bonne collaboration avec un collaborateur malentendant, est l’instauration d’un stylo levé lors des réunions. Un seul stylo est d’application lors de ces réunions et ne parle que celui qui l’a. Cela permet, au collaborateur malentendant, de voir qui parle et de pouvoir lire sur les lèvres. Outre un meilleur échange pendant les réunions, le système amène naturellement des temps de réunion plus courts car l’ensemble des personnes vont à l’essentiel de ce qu’ils doivent exprimer. Le résultat bonifiant est un gain de temps pour tous. 8. Voir le rapport sur « Le travail des étudiants » du Conseil économique et social (RF), 2007. Voir : http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2007/2007_25_%20laurent_berail.pdf 43

VIII. La diversité dans le monde Cinq pays font figure d’exemple dans le monde en matière de diversité à savoir les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Suède, les Etats-Unis et le Canada.1 Différentes mesures d’action positive sont menées dans ces cinq pays sous forme de quatre types d’interventions principales. Il y a d’abord un processus de mise en place d’une législation spécifique obligeant les employeurs à faire des analyses de leur effectif et de leurs processus de travail, de manière à entreprendre des actions permettant de remédier aux éventuels problèmes relevés. Les clauses sociales dans les contrats publics sont ensuite envisagées comme des pratiques effectives et efficaces pour lutter contre la discrimination sur le marché de l’emploi. Le troisième type de pratiques répertoriées concerne le développement d’actions publiques ayant pour but d’augmenter la participation sur le marché de l’emploi des groupes discriminés, en recourant à des interventions ciblées. Enfin, les emplois subsidiés sont une autre forme d’action positive mise en place par les différents pays concernés par cette étude. 8.1. La mise en place d’une législation spécifique Malgré leur contexte socio-historique spécifique, les cinq pays concernés par cette étude comparative ont tous procédé à la mise en place d’une législation obligeant les employeurs à faire des analyses de leur effectif ainsi que de leurs modes de fonctionnement de manière à repérer les éventuelles pratiques discriminatoires et à entreprendre des actions permettant d’y remédier. Il s’agit du Civil Rights Act de 1964 pour les Etats-Unis, de la loi sur l’équité en matière d’emploi datant de 1986 et 1995 au Canada, du Wet stimulering arbeidsdeelname minderheden (SAMEN) de 1997 au Pays-Bas, de l’Equality Act de 2010 pour la Grande-Bretagne et enfin de la loi sur les discriminations de 2008 en Suède. Seuls les employeurs du secteur public sont concernés par ces législations pour le Canada et la Grande-Bretagne. En ce qui concerne les États-Unis, les Pays-Bas et la Suède, tout employeur, tous secteurs confondus, est concerné par ces obligations à partir d’un certain nombre d’employés. La loi sur l’équité en matière d’emploi (1986, 1995) au Canada vise à redresser les inégalités sociales sur le marché de l’emploi de manière proactive. Cette loi oblige les employeurs à développer des actions de manière à réaliser l’équité en matière d’emploi, en déterminant et en éliminant les obstacles à la carrière des membres des groupes discriminés, et à réaliser des plans d’équité. Ces derniers comprennent des objectifs qualitatifs (recrutement, avancement, formation, ...) et quantitatifs (en cas de sous-représentation) qui doivent être pensés à court et à long terme. La préoccupation principale est de permettre l’augmentation des membres des groupes concernés. Un calendrier doit être élaboré comprenant la mise en œuvre des mesures, ainsi que des règles et usages. Les employeurs doivent procéder 1. Crosby, A., « Etude comparative sur les modèles de politique publique relatifs à la notion « d’action positive » en matière de politique de discrimination et de diversité sur le marché de l’emploi », GERME ULB, 2013. 44

BECI | livre blanc diversité à l’analyse de leur effectif (recueil d’informations permettant de mesurer la sous-représentation de certains groupes) ainsi que de leurs modes de fonctionnement de manière à identifier les éventuels obstacles à la carrière des groupes désignés. Les analyses et plans d’action élaborés constituent des dossiers que les employeurs doivent conserver. Ils font aussi l’objet de rapports, lesquels doivent être complets et véridiques et soumis au Conseil privé de la Reine pour le Canada. Une amende pécuniaire est prévue pour les employeurs qui ne respecteraient pas cette obligation, sauf dans le cas d’une excuse légitime. L’Equality Act en vigueur en Grande-Bretagne depuis 2010 établit l’obligation intitulée public sector equality duty pour toute autorité publique de prendre en compte l’élimination de toute discrimination et de promouvoir l’égalité des chances et la bonne entente entre les personnes issues des groupes désignés et celles qui ne le sont pas. Il incombe à toute autorité publique de publier, une fois par an, les informations concernant les personnes avec une caractéristique considérée comme protégée (globalement les mêmes que chez nous) et concernée par les politiques et pratiques en vigueur en matière de lutte contre les discriminations. Elles doivent, en outre, élaborer et publier des objectifs à atteindre, lesquels doivent être précis et mesurables. C’est l’Equality and Human Rights Commission qui est l’instance compétente pour superviser ces obligations. En cas de soupçon de non-respect de l’equality duty, la commission peut entrer en dialogue avec l’autorité publique concernée pour que celle-ci prenne les mesures nécessaires. Elle peut aussi lui adresser un avis de conformité. Un délai est alors accordé à l’autorité pour qu’elle se conforme aux obligations. Si la situation reste inchangée au terme de ce délai, la Commission a le pouvoir de renvoyer l’affaire en justice. Aux États-Unis, le Civil Rights Acts (1964) impose à toutes les agences fédérales, aux syndicats et aux agences pour l’emploi (indépendamment de leur nombre d’employés) ainsi qu’à toutes les entreprises privées, aux États ou aux agences de gouvernement local (employant au minimum 15 personnes) d’établir des employment records, soit des rapports sur leurs effectifs. Si ces entreprises emploient au moins 100 personnes, elles ont pour obligation de soumettre ces rapports annuellement à l’Equal Employment Opportunity Commission (EEOC), sous la forme d’un formulaire standardisé (« EEO-1 »). Des sanctions pécuniaires ou pénales peuvent suivre en cas de mauvais rapportage. Cet organisme a aussi pour objectif de veiller au respect du principe de non-discrimination en vérifiant de manière indépendante toutes les allégations de discriminations. Si la commission évalue comme plausible le cas étudié, elle est compétente pour entamer une procédure judiciaire. La Wet stimulering arbeidsdeelname minderheden des Pays-Bas avait instauré en 1997 jusqu’en 2004 un cadre législatif qui obligeait toutes les entreprises publiques ou privées comptant au moins 35 employés à conserver un registre de leurs effectifs (les noms, les initiales, le pays de naissance, le pays de naissance des parents, la fonction dans l’entreprise, le type de contrat). L’employé a cependant le droit de refuser d’y être enregistré. L’employeur doit élaborer des rapports annuels comprenant une série d’informations et de mesures sur ses effectifs, ainsi que les mesures déjà prises et celles étant prévues pour permettre d’augmenter la participation des minorités. Des objectifs quantitatifs doivent aussi apparaître dans ces rapports, lesquels doivent être soumis aux bureaux régionaux pour l’emploi. En cas de non-respect de cette loi ou en cas de non-conformité des rapports, une investigation de l’Inspection du travail peut potentiellement avoir lieu. Le taux de soumission des rapports était relativement élevé (70 % dans les dernières années où la loi était en vigueur) étant donné l’absence de réelles sanctions. Cette loi a pris fin le 1er janvier 2004. En Suède, la loi sur les discriminations (2008) impose aux employeurs de travailler en se fixant des objectifs respectant les obligations et les modalités énoncées dans cette loi. Ils doivent prendre des mesures actives pour atteindre l’égalité et lutter contre les discriminations. Si l’égalité est un principe à appliquer dans le cadre du recrutement, il s’agit aussi du principe à mettre en œuvre dans la distribution des sexes dans les différents emplois et catégories d’employés. La formation ou d’autres mesures appropriées doivent ainsi être développées pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Si cette égalité n’est pas atteinte, l’employeur se doit d’y remédier en attirant le genre sous-représenté. Le fonctionnement de l’entreprise, les pratiques ainsi que les différences salariales entre hommes et femmes doivent être examinés et analysés par l’employeur tous les trois ans, de manière à pouvoir y remédier. David Blunkett, ex-Ministre (aveugle) de l’Intérieur puis du Travail dans les gouvernements de Tony Blair, en Grande-Bretagne. 45

Les entreprises employant plus de 25 personnes ont l’obligation d’élaborer un rapport reprenant les résultats de ces analyses et d’établir un plan pour l’égalité de salaire entre les sexes, comprenant une estimation du temps et des coûts nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Ce plan doit être soumis à l’Ombudsman. S’il doit en première instance œuvrer pour la soumission volontaire des entreprises aux obligations qui leurs incombent, il peut aussi leur enjoindre une sanction financière. 8.2. Les clauses sociales dans les contrats publics Cette pratique a été mise en place dans plusieurs pays avec des variations importantes selon les contextes. Ces clauses sociales imposent aux entreprises privées qui veulent contracter avec une autorité publique de se conformer à des conditions antidiscriminatoires ou de promotion de la diversité. Cette clause doit être respectée, soit avant de soumissionner un contrat pour pouvoir être éligible, soit une fois sélectionné, soit dès la signature du contrat. De nombreuses variations existent entre les différents pays étudiés en ce qui concerne la mise en œuvre de ces clauses sociales dans les contrats publics. Cette obligation varie notamment en fonction du nombre d’employés ou encore du chiffre d’affaire traité avec les autorités publiques. « Walk a Mile in her Shoes » : manifestation organisée en mai 2015 à Toronto en faveur de l’égalité des genres Les soumissionnaires du contrat sont soumis à une autorité qui juge de la conformité de celui-ci. Ils doivent, en outre, prouver leur volonté de réaliser des actions en matière de lutte contre les discriminations en élaborant des plans d’action ou des analyses de leur effectif. Malgré certaines variations en fonction des contextes nationaux envisagés, ce type d’intervention a eu des effets positifs en matière de diversité. Aux États-Unis, l’Office of Federal Contract Compliance Programs (OFCCP) s’adresse aux entreprises privées qui emploient au minimum 50 personnes et qui détiennent 50.000 $ de contrats avec le gouvernement fédéral. Ces dernières sont obligées d’élaborer un Affirmative action program. Ce programme consiste à identifier et à analyser les potentiels problèmes liés à la participation des femmes et des minorités aux effectifs de l’entreprise et de proposer des moyens permettant d’y remédier. Des examens de conformité sont menés par l’OFCCP dans les entreprises et celles-ci peuvent se voir rayées de la liste des contractants fédéraux en cas de non-conformité. Des rapports standardisés, les EEO-1 (cf. supra) doivent être remplis par ces entreprises et des sanctions pécuniaires ou pénales peuvent éventuellement suivre. Le Programme de contrats fédéraux oblige toute entreprise canadienne employant au minimum 100 personnes, et voulant signer un contrat avec le gouvernement fédéral ou une offre à commande de 200.000 $ ou plus, à œuvrer pour l’équité en matière d’emploi selon les modalités précisées par la loi. Si elles veulent être éligibles, les entreprises doivent avant toute chose signer une attestation d’engagement, véritable contrat juridique obligeant celle-ci à se conformer aux exigences du programme de contrats fédéraux. Ursula Burns, CEO de Xerox : un exemple de réussite pour les femmes comme pour les minorités. Ces entreprises sont soumises à un examen de conformité au terme duquel elles risquent éventuellement de perdre leur droit à soumissionner ou de se voir attribuer de futurs contrats gouvernementaux ou offres à commandes de plus de 25.000 $. Ce programme ne couvre qu’une petite part du marché de l’emploi canadien car de nombreuses entreprises privées tombent sous l’autorité des juridictions provinciales. 46

BECI | livre blanc diversité Les clauses sociales dans les contrats publics en Grande-Bretagne existent depuis plus de 30 ans au niveau des autorités locales. Les soumissionnaires sélectionnés devaient démontrer être en règle avec la législation sur l’égalité, mais l’impact de cette mesure ne fut mesuré que du point de vue de la conformité à la loi et non sur l’emploi des minorités. Un projet pilote fut néanmoins lancé en 2006 au niveau national, au département du travail et des pensions (DWP). Ce projet pilote comprenait deux versants. Les entreprises retenues dans le cadre d’un contrat avec ce département devaient produire plusieurs plans : un plan d’égalité, un plan sur le harcèlement, un plan de formation à la diversité et enfin un plan de diversité des fournisseurs. Le second versant du projet exige des entreprises qu’elles produisent des données sur leur effectif de manière à exposer le nombre des membres du personnel issu d’une minorité ethnique, le nombre de femmes et de personnes avec un handicap. 8.3. Les interventions ciblées Ce type d’intervention fait référence aux actions publiques réalisées dans le but d’augmenter la participation de groupes ciblés sur le marché de l’emploi ou dans un secteur précis de celui-ci. Différents acteurs interviennent dans ce type de mesure comme le bureau de l’emploi qui se charge de mettre en lien les chercheurs d’emploi avec les employeurs, des particuliers qui s’attachent à relier les chercheurs d’emploi au bureau de l’emploi et au marché de l’emploi en leurs proposant les informations et les éventuelles formations nécessaires, ou encore des employeurs du secteur privé ou des PME. Il s’agit dans la majorité des cas, excepté pour la Suède, de programmes temporaires. Ces derniers peuvent éventuellement être reconduits et travaillent en se fixant des objectifs chiffrés, voire des quotas à atteindre pour les groupes ciblés. Le fait de tenir des objectifs quantitatifs permet aux acteurs des différents projets de s’évaluer, d’observer leur progression ou de modifier leur pratique de manière à pouvoir les atteindre. Il s’agit ainsi d’un outil positif pour mesurer la réalisation de leurs objectifs de base. Cette mesure s’inscrit en adéquation avec le cadre légal qui prévoit que ce type d’action soit de nature temporaire. Si l’idée derrière ces programmes est de favoriser l’intégration durable des publics ciblés sur le marché du travail, force est de constater que ces interventions ne débouchent pas toujours sur la stabilité souhaitée. Les facteurs clés de ce type d’actions ciblées sont l’organisation, la communication et l’existence d’un point central de référence. Les groupes ciblés ainsi que les objectifs poursuivis doivent être clairs, précis et connus par tous les acteurs en présence. La convention PME établie en avril 2000 aux Pays-Bas est une intervention ciblée des plus exemplaires en la matière. La MKB-Nederland, soit l’organisation des PME des PaysBas, le bureau de l’emploi, la ministre des Affaires Sociale et de l’Emploi et le ministre pour la Politique des Grandes Villes et de l’Intégration ont ainsi établi une convention, la MKB-Convenant et la Minderhedenconvenant, dont l’objectif est d’accroître le nombre d’employés issus des minorités au Aux Pays-Bas, la MKB-Convenant avait pour objectif d’accroître le nombre d’employés issus des minorités au sein des PME. 47

sein des PME et de réduire leur taux de chômage. L’objectif chiffré établi visait l’embauche de 60.000 personnes issues des minorités ethniques avant la fin du mois de décembre 2002. Une campagne de publicité massive fut organisée (brochures, newsletters, tours d’appels téléphonique, ...) auprès des entreprises de manière à les informer des objectifs de ce programme. Une centrale téléphonique fut ouverte par le bureau de l’emploi à destination des employeurs afin que ceux-ci puissent signaler des vacances et être informés endéans un délai de 72 h de la présence de candidats disponibles pour le poste vacant. Les résultats de cette convention furent plus qu’encourageants. En Grande-Bretagne, l’Ethnic Minority Outreach programme (EMO) fut mis en place en 2002 par le département du travail et des pensions (DWP) pour guider les chômeurs vers le marché de l’emploi. Ce programme fut reconduit jusqu’en septembre 2006. L’EMO s’adressait spécifiquement aux personnes issues des minorités ethniques de manière à favoriser leur insertion sur le marché de l’emploi, soit en leur trouvant du travail, soit en les rapprochant de ce marché. Trois types de services furent mis en place dans les secteurs volontaires et communautaires. Il s’agit de la mise en place d’un processus de sensibilisation dans les communautés ethniques, de sensibilisation des employeurs et enfin de formation dans le cadre d’actions positives. Si ce programme en est resté à sa forme pilote, il a néanmoins rencontré un certain succès en ce qui concerne la réalisation de ses objectifs de base (13.000 personnes ont trouvé un emploi grâce à ce programme et de nombreuses personnes se sont rapprochées du marché de l’emploi grâce aux formations reçues). Précisons cependant, que l’EMO a rencontré quelques difficultés au cours de sa mise en application. De nombreux soucis de communication entre les différents acteurs du projet créèrent des frustrations et ralentirent ainsi son bon fonctionnement (manque d’habitude de soumissionnaires à travailler avec le service de l’emploi, manque d’information des employés de ce service, problèmes administratifs et bureaucratiques entre les différentes sections du service de l’emploi et du DWP, rémunération des contractants en fonction des résultats obtenus et manque de clarté quant à la définition de ces résultats,...). En 1995, la Suède a lancé un projet de loi visant l’égalité des sexes au sein des universités en créant 31 places de professeurs devant être remplies de préférence par des femmes. C’est ce que l’on a appelé les professorats « Tham ». Les universités concernées devaient mettre en place une série d’actions positives de manière à privilégier un équilibre entre les sexes (un poste devait être rempli par un candidat du sexe sous-représenté à condition qu’il remplisse les conditions nécessaires et cela, même si un candidat du sexe opposé était mieux qualifié). Des plans de répartition et de remplissage des nouvelles places entre les universités devaient être élaborés par cellesci en collaboration avec les différents conseils nationaux de recherche scientifique. Les facultés et domaines scientifiques employant un taux relativement bas de femmes se voyaient attribuer la priorité. En ce qui concerne les coûts relatifs à la rémunération de ces nouveaux postes, ceux-ci furent répartis entre le gouvernement, les conseils de recherche et l’université concernée. Visite du couple princier suédois à l’école pour migrants de Tensta, près de Stockholm. 8.4. Les emplois subsidiés Ce type d’intervention suppose que le salaire d’un employé soit pris partiellement ou entièrement à charge par une autre personne que l’employeur, en général par l’Etat. Si ces emplois ne visent en général pas forcément un groupe cible, il n’en reste pas moins qu’ils sont une offre de travail privilégiée pour les jeunes et pour les personnes issues des minorités ethniques. Ces emplois sont de nature temporaire et doivent servir de tremplin vers une insertion plus durable sur le marché du travail, grâce à l’expérience professionnelle ainsi acquise par les personnes ciblées. En Suède, les step-in jobs et les new start jobs sont des exemples de ce type d’emplois subsidiés. Les step-in jobs s’adressent spécifiquement aux nouveaux immigrés et proposent un travail en combinaison avec des cours de suédois. Les employés doivent, pour pouvoir prétendre aux subsides, entrer dans les critères spécifiques (être un nouvel arrivant), mais l’employeur doit aussi soumettre le dossier aux autorités qui décident de l’octroi ou non du subside sur base d’un test. Sont concernées par les new start jobs, les jeunes, les étrangers, les personnes âgées et les personnes présentant un handicap, étant au chômage depuis plus de 12 mois. Dans le cadre de ce type d’emplois, les subsides sont un droit pour l’employeur qui les reçoit automatiquement sans devoir soumettre de dossier. Aux Pays-Bas, ce sont la Wetinschakelingwerkzoekenden (WIW), soit la loi sur l’insertion des chercheurs d’emploi et le Besluit in- en doorstroombanen (ID-besluit), soit l’arrêté sur les emplois d’insertion et de promotion. Ces mesures accordent 48

BECI | livre blanc diversité de l’emploi, aucune mesure d’action positive ne peut être élaborée. Les mesures prises lorsque les autorités sont partagées entre l’obligation d’intervenir et le respect de leur électorat sont souvent trop vagues que pour permettre de réels progrès en la matière. L’ambiguïté apparaît alors dans la manière de définir un désavantage, les personnes concernées par ce désavantage ou encore l’égalité et les mesures à prendre. Les différentes mesures d’actions positives risquent alors d’être handicapées par ce type d’ambiguïté. Andrew Crosby reprend la thèse énoncée par d’autres sociologues avant lui, en expliquant le principe de la « chaise musicale ». Selon ce principe, les personnes issues des minorités ethniques et sous-représentées sur le marché de l’emploi, qui ont gravi les échelons de l’entreprise pour occuper un poste à responsabilité auront plus de facilité à recruter des personnes issues du même groupe. 8.6. Quelles mises en pratique pour bruxelles ? Toutes les mesures citées ci-dessus s’inscrivent dans un pays qui a une culture et une législation propres. La Belgique, et Bruxelles plus particulièrement, ont déjà pu se doter d’un certain nombre d’outils proches de ceux utilisés dans d’autres pays pour promouvoir la diversité, même si certains peuvent être améliorés. La mise en place des législations (à l’instar d’autres pays du monde), à la fois fédérales et bruxelloises, permet aujourd’hui un cadre strict d’interdiction de la discrimination. aux communes des subsides leurs permettant de financer une partie du salaire auprès d’un employeur ayant engagé un chercheur d’emploi de longue durée. D’après ces textes législatifs, ces emplois sont de nature temporaire et doivent permettre au chercheur d’emploi de réintégrer le marché du travail en progressant vers un contrat à durée indéterminée et non-subsidié. Les minorités ethniques sont surreprésentées dans ce type d’emploi, et cela même s’il elles ne sont pas spécifiquement visées par ces mesures. Ce type d’emploi subsidié a rencontré un succès considérable auprès de ces populations. 8.5. Les autres facteurs de réussite Outres les différents types d’intervention présentés, une série de facteurs est à prendre en considération dans la mise en œuvre de ces mesures, lesquels influence fortement les actions menées en termes de lutte contre les discriminations sur le marché de l’emploi. La croissance économique est avancée comme un facteur déterminant en ce qui concerne les taux de participation des personnes issues des minorités ethniques au marché de l’emploi. La volonté politique et l’engagement sont un second facteur à prendre en considération dans l’étude des actions menées dans les différents pays. Sans volonté politique allant dans le sens d’une lutte contre les discriminations sur le marché Par ailleurs, de nombreux outils d’aide sont mis à la disposition des administrations publiques et du secteur privé pour améliorer la diversité dans leur secteur. Il s’agit notamment de toutes les mesures généralistes d’aide à l’emploi. Ces mesures d’emplois subsidiés ont prouvé leur efficacité au niveau international. Il y a lieu néanmoins d’améliorer certains paramètres pour qu’ils trouvent leur efficacité. En effet, les entreprises, à côté des réductions structurelles des charges, peuvent faire appel aux réductions des cotisations patronales ainsi que des mesures d’activation des allocations de chômage. Elles renvoient à de nombreux profils, à des âges différents, des diplômes différents… Par ailleurs, certaines mesures sont cumulables et d’autres pas. Ces mesures gagneraient à être harmonisées et simplifiées afin de permettre une lisibilité et une simplification directe pour les recruteurs. Les interventions ciblées, également facteur de succès, dans d’autres pays, sont mises en application sous une autre forme par BECI, notamment par la promotion de la diversité lors des Jobs Days. Des mesures actives, également vecteurs de succès, sont mises en place par BECI ; notamment des mesures de formation, la mise à disposition de consultants en diversité, des rencontres inter- entreprises, des campagnes et des articles de sensibilisation,… Mais pour développer la diversité, BECI conseille de mettre en application les recommandations ci-après. 49

IX. Recommandations La diversité sur le marché de l’emploi pourra être réussie si elle est portée par l’ensemble des acteurs publics et privés et ce dans tous les champs de la vie humaine, à savoir politique, médiatique, culturel, associatif, économique, académique,… Ce n’est que par l’appropriation de tous, en agissant aussi bien en amont qu’en aval, que les chiffres de la discrimination pourront commencer à diminuer. Plusieurs champs méritent une attention profonde. 9.1. La diversite par tous L’erreur qui est faite en matière d’égalité des chances et de diversité est de mener des actions politiques uniquement dans le champ professionnel. Or, le marché de l’emploi n’est pas un champ qui fonctionne et se régit dans un espace solitaire et fermé. Le champ professionnel est un membre du corps social fonctionnant en interaction avec tous les autres champs : politique, culturel, associatif, familial, pédagogique, médiatique,... Il est, de facto, le reflet de la société toute entière. Aussi, les stéréotypes, les préjugés, les « habitus » sont universellement sociaux et sont inscrits partout et tout le temps. Les actions menées, pour faire réussir la diversité, doivent s’inscrire dans la société toute entière. Les symptômes de cette inscription globale de la discrimination dans toute la société sont nombreux. Lorsque des clients émettent des réserves voire des oppositions à être servis ou 50 à être en contact avec certains profils de personnes, le problème ne se situe pas d’un seul côté de la barrière et le chantier déborde le marché de l’emploi. C’est pourquoi BECI recommande, à l’instar de la politique flamande, de mener une politique inclusive et coordonnée d’égalité des chances où chaque ministre l’inclut dans ses matières. Un ministre d’égalité des chances coordonnant les actions de chaque ministre et initiant différentes initiatives (affirmative actions…) Soulignons également que les législations anti-discrimination, bien que nécessaires, dans le sens où elles imposent un cadre strict, s’avèrent peu efficaces en pratique en termes de changement. « Si la discrimination est perçue comme un phénomène collectif pouvant prendre la forme d’une pratique institutionnalisée, la lutte contre la discrimination par sanction s’avère peu efficace ou insuffisante. Dès lors que les discriminations apparaissent comme un phénomène structurel, ancré dans les mentalités, une politique de sensibilisation et une politique ‘d’actions positives’ sont des options pour éradique le problème. 1 » Par ailleurs, vouloir tout solutionner par l’appareil judiciaire n’est pas nécessairement pertinent. A la fois, parce que cela fige et rigidifie, et de facto enferme à la fois les employeurs mais également les publics touchés par la discrimination. Il y a donc lieu de travailler sur tous les plans afin d’atteindre une pleine maturité sociale en matière d’égalité des chances et de promouvoir la diversité à tous les niveaux de la société.

BECI | livre blanc diversité 9.2. Enseignement & qualifications Il faudra agir profondément au niveau de l’enseignement francophone. Il est aujourd’hui une usine structurellement discriminante. Les chiffres mentionnés en termes d’échec scolaire sont les mêmes depuis des décennies ; seul un nouveau système capable d’agir au niveau structurel pourra faire basculer les chiffres positivement. La Belgique francophone pourra se calquer notamment sur d’autres pays du monde qui ont incorporé les changements dans leur enseignement, avec aujourd’hui des taux de réussite majoritaires chez leurs élèves. La dernière étude de Mc Kinsey a démontré qu’il était possible de renverser les chiffres, en seulement 6 ans, en mettant l’accent sur 4 volets : • Inciter des personnes de qualité à devenir et à rester enseignants. • Améliorer de manière continue les pratiques pédagogiques dans les salles de classes • La mise en place d’équipes de direction de qualité • Viser la réussite de chaque élève D’autres actions, plus ciblées, devront compléter ces changements institutionnels. Il faudra notamment : • Ouvrir plus largement l’enseignement classique aux enfants porteurs d’un handicap pour incorporer la diversité dans sa « naturalité » et non plus comme une marginalité. Actuellement, seuls 2069 enfants porteurs d’un handicap sont intégrés dans l’enseignement ordinaire via le décret Intégration. La Belgique se trouve à ce sujet en porte-à-faux avec la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées ratifiée en 2006. Cela devra passer également par l’amélioration des structures corporelles et humaines d’accueil. • Former les équipes pédagogiques (professeurs, directions d’école) à la diversité. • Améliorer le bilinguisme des demandeurs d’emploi. 9.3. Formations & actions positives • Formations en diversité : aujourd’hui, étant donné l’évolution de la société et sa démographie, les ressources humaines doivent disposer de tous les outils en adéquation avec sa réalité sociale. Aussi, chaque responsable de ressources humaines, devrait suivre régulièrement des formations en diversité afin de pouvoir sortir des réflexes inconscients et disposer de tous les talents. • Les actions positives : les exemples d’actions positives (méthodes d’incorporation développant la diversité) développés dans ce livre blanc sont nombreux mais non exhaustives. La cellule diversité de BECI peut également conseiller aux entreprises d’autres actions spécifiques sur mesure à chaque entreprise. 9.4. Mesures emploi > DIMINUTION DES CHARGES Les charges sur l’emploi sont particulièrement lourdes pour les entreprises, en soi elles constituent, de manière générale, un frein indirect au recrutement. Lors de l’enquête diversité, BECI a interrogé les entreprises en leur demandant de choisir deux mesures qu’elles jugent nécessaires afin de promouvoir la diversité. Elles ont principalement plébiscité l’accompagnement pédagogique, la consultance et les incitants fiscaux comme outils positifs. Ces diminutions de charges, particulièrement pour les travailleurs âgés, devront s’intégrer harmonieusement avec la 6e réforme de l’état qui régionalise les politiques d’activation des allocations de chômage et les politiques de réduction des cotisations ONSS. > SIMPLIFICATION ET HARMONISATION : Dans le cadre de la régionalisation des politiques de l’emploi, Beci recommande également une simplification et une harmonisation des aides financières octroyés aux entreprises en ce qui concerne les mesures d’activation et de réduction ONSS. Graphique 17 : Je pense que de nouvelles mesures de soutien sont nécessaires pour inciter à la diversité en entreprise : (Deux réponses possibles.) 0% Pédagogie (prévention; formation…) Consultance (en diversité, Change management…) Incitants fiscaux Non Autres ? Précisez 10% 20% 30% 40% 51

Elles sont aujourd’hui très nombreuses et ne permettent pas une lecture directement lisible pour les entreprises. > MODIFIER LA LEGISLATION Calquer la législation bruxelloise sur la législation flamande en modifiant au niveau législatif le groupe cible « travailleurs de nationalité étrangère » par « travailleurs d’ascendance étrangère » institué par l’Arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relatif aux plans de diversité et au label de diversité du 7 mai 2009. Cette modification devrait répondre plus adéquatement à la sociologie bruxelloise et à la réalité des profils des personnes discriminées. Actuellement, cette législation passe, pour une part, à côté de son objet de par cette restriction. D’autres paramètres peuvent cibler positivement les personnes d’origine étrangère en évitant l’effet stigmatisant. Il s’agit notamment de faire référence à « la langue maternelle » des personnes d’origine étrangères. Cette donnée est aisément insérable à la fois dans un cv ou un appel de fonction. Ainsi, les appels de fonctions pourraient concerner les personnes qui ont, outre une des deux langues nationales, une autre langue maternelle. > ELIMINER LES PIEGES A L’EMPLOI Les personnes porteuses d’un handicap perdent leur allocation de handicap une fois qu’elles retrouvent un emploi. Si elles veulent retrouver leurs allocations, elles doivent repasser par toutes les procédures de reconnaissance qui sont non seulement longues mais lourdes, administrativement et humainement. BECI recommande de simplement suspendre le bénéfice de ces allocations durant la mise à l’emploi et de les réaccorder automatiquement lors de la perte d’un emploi ou d’allocations de chômage. BECI recommande également de raccourcir les délais d’attente de décision pour les personnes en situation de handicap, à la fois concernant l’octroi des allocations pour handicap mais également concernant les aides à l’emploi. En effet, l’octroi des aides à l’emploi aux employeurs arrive souvent très tard après l’engagement, ce qui freine énormément les entreprises. Le problème se pose d’autant plus pour des engagements à court terme. Par ailleurs, à l’instar d’autres pièges à l’emploi, la différence n’est parfois pas très élevée entre les allocations de handicap (et les aides parallèles) et un salaire professionnel. > AUTRES • Tracer des trajectoires d’insertion socioprofessionnelle et de formations correspondant aux profils recherchés sur le marché de l’emploi. • Pour les fonctions critiques, qui ne nécessitent pas de qualification de l’enseignement supérieur, construire des trajectoires d’insertion socioprofessionnelle et de formations plus directs. • Améliorer notamment l’information à ce sujet auprès des demandeurs d’emploi. En effet, des études tendent à démontrer que les discriminations semblent s’atténuer dans les fonctions critiques, qu’elles demandent de hautes qualifications ou pas. • Promouvoir l’apprentissage des langues, notamment par la gratuité, jusqu’au bilinguisme pour les demandeurs d’emplois. • Intégrer la diversité dans les programmes de cours des Hautes Ecoles et Universitaires pour les orientations concernées : ressources humaines, management,… • Mieux faire connaître aux demandeurs d’emploi les services de sélection et recrutement privés (intérims,…). • Evaluer de manière objective les tests de sélection. Certains pourraient contenir des références culturelles de nature mono-culturelle et des personnes ayant des schèmes de perception ou de pensée bi-culturels pourraient être « indirectement » sanctionnées par les réponses qu’elles donnent. « La discrimination peut découler des tests de sélection euxmêmes qui peuvent contenir des éléments culturels (non liés à l’évaluation des compétences et des qualifications) propres à disqualifier les personnes de nationalité ou d’origine étrangère. » 2 Une étude objective portant sur les tests de sélection serait pertinente sur le marché de l’emploi. 9.5. MOBILITE PROFESSIONNELLE INTER-REGIONALE Améliorer la mobilité professionnelle des demandeurs d’emploi serait à la fois positif pour les demandeurs d’emploi et les employeurs. En effet, le taux de jeunes sans diplôme de l’enseignement secondaire est important en Région bruxelloise, qui propose insuffisamment d’offres d’emplois pour les personnes infraqualifiées. Par contre, les deux autres régions offrent davantage d’emplois à qualification basse et intermédiaire. Les besoins en diplômés de l’enseignement supérieur ou universitaire n’est « que » de 38,5 % en Région Flamande et 37,8% en Région Wallonne.3 Aussi, améliorer la mobilité professionnelle interrégionale peut être positif pour tout le monde. Cette mobilité concerne plusieurs axes : • Favoriser également la coordination interrégionale en matière de formation-emploi afin de développer des axes de formation pertinents menant à un emploi dans les deux autres régions également. • Favoriser la concertation structurelle des organismes publics régionaux de mise à l’emploi (Actiris, VDAB, Forem) avec les organismes de formations, d’OISP, … • Développement des transports inter-régionaux : de par la régionalisation de la mobilité et des transports publics, BECI recommande de lever les obstacles politiques afin que les secteurs privés puissent organiser la mobilité des travailleurs. La première zone de facilité doit impérativement aller vers la périphérie étant donné que la zone économique de Bruxelles dépasse largement la Région. Les employeurs et les chercheurs d’emploi pourraient ainsi mieux rencontrer leurs objectifs mutuels. 1. ADAM, Ilke, « Immigrés et minorités ethniques sur le marché de l’emploi. Les politiques publiques en question ? », dans Marco MARTINIELLO et al. (dir), Immigration et intégration en Belgique Francophone. Etat des savoirs. Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2006, p.185 • 2. Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme & Business et Society Belgium. 2006. L’entreprise et la diversité : quelles mises en pratique ? Bruxelles. p.20 • 3. Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles. 52

Présentation du Livre blanc de la Diversité, le 17 juin dernier au siège d’AG Insurance. De gauche à droite : Hayate El Aachouche (BECI), Thierry Willemarck (Président de BECI), Antonio Cano (CEO d’AG Insurance), Kathleen Beyens (Human Resources Manager Sodexo) et Jean-Claude Daoust (administrateur délégué de Daoust). X. Conclusion générale La discrimination est présente partout dans tous les aspects de la sphère humaine. Elle est « extraordinairement ordinaire »1 et indirects. Parmi les causes qui participent indirectement au manque de diversité, citons notamment notre enseignement qui est en soi une usine discriminante. Outre le fait qu’il produit chaque année des taux d’échec massifs, il est profondément inégal, dans le sens où il se partage dichotomiquement entre écoles porteuses de réussite et écoles porteuses d’échec. Cela conduit, sans surprise, à un taux d’élèves important qui sortent chaque année sans diplôme du secondaire avec comme résultat un quart des demandeurs d’emploi qui n’ont pas de diplôme du secondaire supérieur. Quant au niveau global de notre enseignement, il se trouve en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Cette réalité des demandeurs d’emploi vient se mettre en tension avec la réalité des besoins du marché de l’emploi, où près de 60 % (56 %) nécessitent un diplôme de l’enseignement supérieur. De plus, le manque de connaissances du néerlandais constitue un frein important sur le marché de l’emploi bruxellois. Par ailleurs, la diversité repose sur un socle globalement défavorable aux entreprises, à savoir des charges élevées sur le travail. Ceci va quantitativement limiter le développement des ressources humaines. Ces éléments sont donc à prendre en compte dans toute mesure visant à favoriser la diversité sur le marché de l’emploi. Cette diversité peut encore être largement développée sur le marché du travail comme en attestent les dernières mesures et sa genèse est due à la fois à des facteurs directs établies par les institutions publiques et académiques. Elles confirment les études précédentes en matière de discriminations, à savoir des difficultés d’accès à l’emploi et d’évolution professionnelle pour certains publics de personnes. Le monitoring socio-économique a l’avantage d’avoir mesuré très précisément cette discrimination d’un point de vue macro, tant au niveau national que régional. Il a ainsi montré que le taux d’emploi des personnes d’origine belge (74,2 %) est largement supérieur au taux d’emploi des personnes d’origine étrangère (qui reste entre 38 et 53 % selon le groupe d’origine). Des taux de chômage supérieurs et de plus longue durée des personnes d’origine étrangère, par rapport aux personnes d’origine nationale, montrent également des symptômes de discrimination. Cette discrimination est particulièrement interpellante pour les groupes comprenant les personnes d’ascendance turque ou d’ascendance marocaine qui connaissent, aujourd’hui, les plus haut taux de chômage et ce quel que soit l’âge. Elle interroge particulièrement quand on sait que c’est avec le Maroc et la Turquie que la Belgique a établi des conventions bilatérales il y a 50 ans pour un besoin de main d’œuvre. En ce qui concerne l’âge, il apparaît que le coût pour les employeurs pour des personnes de plus de 45 ans est particulièrement important. Des mesures de réduction patronales plus importantes pour les personnes de plus de 45 ans pourraient faire évoluer positivement les chiffres. Cette discrimination peut ainsi être plus facilement levée, par ces incitants financiers, contrairement aux autres profils de discrimination où les préjugés, les stéréotypes, les a priori dominent plus fortement. 53

La discrimination en matière de genre montre toujours des différences significatives sur le plan salarial mais également une sous-représentation dans les positions hiérarchiques supérieures. Les données établies par le monitoring ont également permis de montrer que le fait de cumuler des caractéristiques discriminantes était en soi doublement difficile sur le marché de l’emploi. Cela rend les murs doublement épais, tant sur le plan horizontal (accès à l’emploi) que vertical (accès aux positions hiérarchiques supérieures). Ainsi, en matière de genre, le plafond de verre s’épaissit doublement voire triplement lorsque les femmes cumulent d’autres caractéristiques : origine étrangère, âge, handicap,… Dans cette perspective, il y a lieu donc d’être particulièrement attentif aux actions politiques et privées menées en matière de genre. Pour tous les autres profils, le fait de cumuler les caractéristiques discriminantes peut également compliquer sérieusement les choses sur le marché du travail: âge et handicap, âge et origine étrangère,…et ce, pour les deux sexes. Un cumul qu’il faut également prendre en considération dans les actions menées. Mais la genèse de ces discriminations est multiple et ne se situe pas, comme nous l’avions démontré, uniquement dans un racisme pur et dur ou dans une sorte de « machisme » simplement « machiste ». Loin de là. Elle se situe au carrefour de causes exogènes et de causes endogènes. Les causes exogènes se situent comme nous l’avons vu à la fois autour de productions étatiques (enseignement,…) mais elle est également inscrite partout dans la société. Elle est présente dans tout le paysage social à travers des mécanismes de valorisation sociale et de dévalorisation (médiatique, politique, social, associatif,…) qui construisent ces discriminations. Elles deviennent endogènes et s’inscrivent à l’intérieur de tout être humain qui reproduit à travers des « habitus » - des dispositions acquises qui construisent des catégories de perception, appréciation et actions - et qui « dirigent » les comportements de sélection, recrutement et gestion des ressources humaines. De manière globale, les différences significatives, en termes de genre, d’ascendance, de handicap, d’âge, ne pourront être effacées que par deux méthodes : inculcation et incorporation. Les méthodes d’inculcation font notamment référence aux formations en diversité, aux sensibilisations,.. Les méthodes d’incorporation sont des actions positives dont nous avons cité plusieurs exemples dans ce livre. Ces actions sont multiples, tant sur le plan horizontal que vertical, et peuvent s’inspirer notamment des pratiques développés par les entreprises et présentées dans ce livre blanc. Car le pari peut être gagnant ! Les entreprises sont nombreuses à témoigner des facteurs de réussite et de succès économiques par l’incorporation de la diversité en leur sein. Lorsqu’on interroge les entreprises sur les raisons qui leur ont fait développer la diversité, 52 % révèlent qu’elles se sont engagées pour améliorer la gestion de leur ressources humaines et 31 % pour améliorer leur performance économique.2 Citons notamment l’exemple de cet hôtel en Suède qui a vu le nombre de ses nuitées exploser de par les accommodements multiples qu’il a mis en place pour les non-voyants, les malentendants, les personnes à mobilité réduite,… Ainsi, cet hôtel, en intégrant un personnel avec un handicap, a pu développer sa créativité économique et devenir un lieu privilégié pour les personnes porteuses d’un handicap. Les études sont également nombreuses à avoir montré la performance économique augmentée dans les entreprises ayant des femmes dans leur top management. Probablement parce qu’allier les schèmes différents mais complémentaires en termes de genre, dans les fonctions supérieures, contribue à une vraie complémentarité et développe les performances globales de l’entreprise. De même, avoir du personnel multi-culturel apporte de nombreuses richesses à la fois humaines et économiques. Les entreprises ayant réalisé cette diversité rapportent notamment que cela leur permet de mieux comprendre et donc de mieux rencontrer les besoins de leur clientèle. Ces équipes diversifiées contribuent également à augmenter la créativité générale de l’entreprise et ainsi sa performance globale. Aussi, la diversité est un ADN où se déploient de multiples chromosomes : peurs, incompréhensions, tensions, indifférences, stéréotypes, habitus mais également ressources, richesses, potentialités, créativités, performances, … Mais c’est l’appropriation de la diversité, par tous les acteurs (politiques, économiques, associatifs, médiatiques,…) et la mise à distance des a priori qui pourra faire de celle-ci une réussite et une richesse sur tous les plans : humain, politique et économique. 1. bourdieu • 2. INERGIE. Bilan diversité 2014. Site web sur INTERNET. < http://www.inergie.com/bilan-diversite-2014>. 54

XI. Références • ADAM, Ilke. 2006 « Immigrés et minorités ethniques sur le marché de l’emploi. Les politiques publiques en question ? », dans Marco MARTINIELLO et al. (dir), Immigration et intégration en Belgique Francophone. Etat des savoirs. Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia. • ADAM, Ilke. 2006. « Les immigrés et leurs descendants sur le marché de l’emploi. Qu’en savons-nous en Belgique francophone (1989-2004) ? », dans Marco MARTINIELLO et al. (dir), Immigration et intégration en Belgique francophone. Etat des savoirs, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia. • Beci. Juin 2015.. La compétence au-delà du handicap. Bruxelles Metropole.n°5. • BOURDIEU, Pierre.2002. La domination masculine, Paris, Editons du Seuil, . • Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme & Business et Society Belgium. 2006. L’entreprise et la diversité : quelles mises en pratique ? Bruxelles. • Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2009. Discriminations des personnes avec un handicap. Bruxelles. • Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme.2012. Baromètre de la Diversité : Emploi. Bruxelles. • Commission européenne Justice. 2011. Les Chartes de la Diversité en Europe : comprendre les avantages pour l’entreprise. Gérer la diversité au travail. Luxembourg. • Commission Européenne - Eurostat : Communiqué de presse 2/12/2014 (184/2014) : Situation des personnes handicapées dans l’UE : Moins d’1 adulte handicapé sur 2 avait un emploi dans l’UE28 en 2011. Voir : http://europa.eu/rapid/press-release_STAT-14-2283_fr.htm • Crosby, A.2013. « Etude comparative sur les modèles de politique publique relatifs à la notion « d’action positive » en matière de politique de discrimination et de diversité sur le marché de l’emploi », GERME ULB. • DEMONTY, Bernard. 30 juin 2011. « Le cv anonyme, c’est joli, mais pas efficace », La Libre Voir : http://www. lalibre.be/actu/belgique/le-cv-anonyme-c-est-joli-maispas-efficace-51b8d5b3e4b0de6db9c1fe4d • DE RUDDER, Véronique et al., 2000. L’inégalité raciste. L’universalité républicaine à l’épreuve, Paris, Presses Universitaires de France. 55

• Enseignons.be asbl. 2013. Le Taux d’échec varie selon le basin scolaire. Site web sur internet. Voir: <http:// www.enseignons.be/actualites/2013/08/07/echec-scolaire-bassin>. • FASSIN Didier & FASSIN Eric. 2009. De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte. • Goodwill Management : Diversité du capital humain et performance économique de l’entreprise. Voir : http:// www.goodwill-management.com/nos-publications.html • INERGIE. Bilan diversité 2014. Site web sur INTERNET. < http://www.inergie.com/bilan-diversite-2014>.. • Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. 2011. Femmes et Hommes en Belgique : Statistiques et indicateurs de genre. Bruxelles. • Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. 2014. L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique. Rapport 2014. Bruxelles. • Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes. Bonnes pratiques. Site web sur INTERNET. Voir : http:// www.iefh-action.be/> ) • Janssens, R. et al., « L’enseignement à Bruxelles », Brussels Studies, janvier 2009, Voir : http://www.brusselsstudies.be/medias/publications/FR_73_EGB5.pdf • Landrieux-Kartochian Sophie, « Femmes aux commandes, entreprises performantes? », Travail, genre et sociétés 1/ 2010 (n° 23), p. 171-179 • Laufer Jacqueline, Paoletti Marion, « Spéculations sur les performances économiques des femmes », Travail, genre et sociétés 1/ 2010 (n° 23), p. 167-170 Voir : http://: www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2010-1-page-167.htm.>.. • LAUWERS, Michel. Les femmes managers rapportent toujours plus gros. Le Journal L’Echo. Samedi 10 janvier 2015 • McKinsey&Company, « Les clés du succès des systèmes scolaires les plus performants », 2007. • Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2013. Bruxelles. • Observatoire Bruxellois de l’emploi. 2014. Le marché de l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale : Etat des lieux 2012. Bruxelles. • Observatoire bruxellois de l’emploi. 2014. Focus : Aperçu de la situation des travailleurs « seniors » sur le marché de l’emploi bruxellois. Bruxelles. • Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Social & Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le Racisme. 2013. Monitoring socio-économique. Bruxelles. • Service Public Fédéral : Emploi, Travail et Concertation Sociale. 2014. Répartition de l’emploi par secteur. Site web sur internet. Voir : http://www.emploi.belgique.be/ moduleDefault.aspx?id=21166#AutoAncher1. Dernière consultation : 14-06-2014 • SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale. 2005. Clés pour les aménagements raisonnables au profit des personnes handicapées au travail. s.l. Voir : http://www.emploi.belgique.be/publicationDefault.aspx?id=3616 • TANDE, Alexandre, « Cheval de Troie ou « écran de fumée » : dans quelle mesure les plans de diversité de la Région de Bruxelles-Capitale peuvent-ils empêcher les discriminations ethniques et raciales sur le marché du travail ? », Site de l’Association française de Science Politique, 2011, voir : http://www.afsp.info/congres2011/ sectionsthematiques/st22/st22tande.pdf • VANDERMOTTEN, Christian et al., « L’économie bruxelloise », site de Brussels Studies, janvier 2009. Site web sur INTERNET. Voir : http:// www.brusselsstudies.be/medias/publications/ FR_76_EGB7.pdf • WAGNER, Anne-Catherine, « Habitus », Sociologie [En ligne], Les 100 mots de la sociologie, mis en ligne le 01 mars 2012.Site web sur INTERNET,voir : http://sociologie. revues.org/1200 • Observatoire Bruxellois de l’emploi.2013. Jeunes dans la précarité. La position des jeunes adultes vis-à-vis du marché de l’emploi en RBC. Bruxelles • REA, Andréa et al., « Les jeunesses bruxelloises : inégalité sociale et diversité culturelle », Brussels Studies, Février 2009, Site web sur INTERNET. Voir : « http://www.brusselsstudies.be/medias/publications/FR_79_EGB9.pdf • RINGELHEIM, Julie & VAN DER PLANCKE, Véronique, Plans de diversité dans l’entreprise : action positive ou communication positive ? Le cas de la Région de Bruxelles-Capitale in Ch. Bayart, S. Sottiaux et S. Van Drooghenbroeck (dirs), Actualités du droit de la lutte contre la discrimination, La Charte/die keure, Bruges, 2010, 309-352. • S.P.F. Economie, P.M.E., Classes Moyennes et Energie. 2012. Le marché du travail en Belgique en 2012. Bruxelles. Site Web sur INTERNET. Voir : http://statbel. fgov.be/fr/binaries/analyse_fr_tcm326-238812.pdf. 56

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