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L’énergie va rester chère GREEN Le pétrole est au plus bas, la demande de gaz est en baisse, les prix du charbon s’effondrent… Et pourtant, la facture d’énergie est au plus haut – et elle risque bien d’y rester ! Pourquoi ? Laura Rebreanu et Emmanuel Robert C' est Philippe Van Troeye, le patron d’Electrabel, qui le déclarait récemment dans les colonnes de Trends-Tendances : « Le prix de marché de l’électricité n’a jamais été aussi bas, en recul de 40 % par rapport à 2007. Mais pour le client, il n’a vraisemblablement jamais été aussi élevé depuis des années. » Derrière ce paradoxe apparent se cache une multitude de facteurs dont la combinaison est particulièrement complexe à démêler. Si on se focalise uniquement sur les prix des combustibles, la situation actuelle paraît en effet incompréhensible : le pétrole, qui culminait à 145 dollars le baril à la veille du krach de 2008, et qui restait tout de même aux alentours des 100 dollars ces dernières années, cotait le mois dernier à 50 dollars. Le prix du charbon est en baisse constante depuis plusieurs années, et aucune reprise à la hausse n’est prévue à court ou moyen terme. L’essor du gaz de schiste aux États-Unis, une réglementation environnementale de plus en plus stricte au niveau mondial (y compris en Chine et aux États-Unis), ainsi qu’un ralentissement de l’économie chinoise ont entraîné une baisse de la demande et un surplus de production qui ne semble pas près de se résorber. La demande de gaz naturel, quant à elle, a chuté d’environ 11 % en un an dans l’ensemble des pays européens. Bref, l’énergie paraît abondante et bon marché… Transport et distribution Mais alors, qu’est-ce qui cloche ? Depuis les années 2000, les politiques européennes ont libéralisé les marchés du gaz et de l'électricité. Toutefois, seule une partie des activités a été ouverte à la concurrence : la production et la fourniture (qui représentent, en gros, 40 % de la facture du consommateur belge). Le transport et la distribution, par contre, restent strictement encadrés et pèsent ensemble près de 50 % de cette même facture. Ils relèvent respectivement d’Elia (pour le transport) et Sibelga (pour la distribution à Bruxelles). Le reste (12 % de la facture environ), ce sont les taxes et prélèvements, ainsi que des charges liées à l’obligation de service public. 38 BECI - Bruxelles métropole - juin 2015 Ajoutons-y les différentiels de taux de change et l’inertie des contrats d’approvisionnement à long terme : on comprendra que les convulsions des prix, sur le marché, peuvent se traduire de manière très inattendue dans la facture. Et le prix du CO2 ? Pour encourager le développement des énergies renouvelables – et surtout pour décourager les énergies fossiles – des accords internationaux entre différents groupes de pays ont limité, par voie réglementaire, les émissions de CO2 . Celles-ci ont été soumises à des quotas tandis que, parallèlement, était organisé un marché d’échange pour attribuer un « prix » à la tonne de CO2 . Le contingentement des émissions devait mécaniquement faire augmenter ce prix, donc peser sur les énergies fossiles, les rendre moins attractives, et permettre aux énergies renouvelables de les concurrencer. Aujourd’hui, la tonne de CO2 « coûte » environ 7 € sur les marchés européens, mais ce facteur reste relativement faible. Pour qu’il augmente, il faudrait que la révision du système européen d’échange de quotas soit efficace et qu’un accord international contraignant sur le changement climatique soit conclu en décembre 2015, lors de la conférence de Paris sur le climat. En attendant les réformes et un éventuel accord, le prix du CO2 restera faible et n’incitera certainement pas les producteurs à passer à des technologies moins polluantes.

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