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TOPIC GREEN Vincent Callebaut, l’architecte belge qui veut sauver la ville Après un parcours académique plutôt remarqué et un début de carrière qui l’a vu couronné de nombreux prix, cet architecte d’origine louviéroise a posé ses valises à Paris d'où il nous a expliqué sa conception des bâtiments urbains et du rôle qu'ils peuvent jouer dans l’alimentation de ses habitants. Rencontre avec un idéaliste qui a... la tête bien sur les épaules. Johan Debière Comment expliquer que vos idées et vos plans sur la ville de demain se concrétisent dans les pays d'Asie du sud-est ou au Moyen-Orient, mais pas encore en Europe ? Je pense que les pays émergents ont plus de besoins et en même temps plus de potentiel économique pour développer ce type de projets. Au contraire, j'ai souvent vu dans la réaction des promoteurs immobiliers européens une forme de tiédeur. Chez eux, ce sont les raisonnements à court terme qui prévalent pour voir si cela vaut la peine d'investir ou pas dans des projets comme ceux que je défends. Ceci dit, je ne désespère pas. Depuis quelques années, les thèmes de la construction verticale et de la végétalisation des bâtiments en ville montent en force en France, mais aussi en Allemagne, au Luxembourg, ainsi qu’en Belgique... Les promoteurs européens restent-ils tous sourds ou indifférents aux projets que vous développez ? Non, heureusement... Depuis un an, les choses sont en train de bouger. Le programme Paris Smart City 2050 a par exemple sensibilisé pas mal d'acteurs aux défis importants que devront relever les villes de demain, y compris au plan alimentaire. Paris Smart City 2050 est une commande directe de la Ville de Paris, qui a été sélectionnée sur candidature et non par concours, pour sensibiliser la population au principe de la construction verticale. Il s'agit par ailleurs de montrer que des alternatives existent, à la fois pour préserver le bâti existant, répondre à crise du logement et développer une architecture résiliente par rapport à la problématique climatique. On ne peut plus se voiler la face : dans les prochaines décennies, l'augmentation des températures, les épisodes de fortes pluies, les vents violents etc., seront devenus des réalités. Quel est votre concept pour une ville comme Paris ? On dit la ville lumière assez réticente à l'idée de voir des tours sur son territoire... En réalité, le concept porteur de mon propos, c'est celui de la solidarité énergétique. C’est le fait de dire qu'à Paris comme dans toutes les autres villes européennes à forte charge patrimoniale, avec des couches de population de plus en plus riches, on veut construire des bâtiments métaboliques. J'entends par là des bâtiments innovants 18 BECI - Bruxelles métropole - juin 2015 Utopiques, les projets de Vincent Callebaut ? La tour végétalisée Tao Zhu Garden est actuellement en cours de construction à Taiwan qui produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment. Et qui redistribuent l'énergie non consommée aux bâtiments historiques. À Paris, je pense notamment aux grands bâtiments haussmanniens qui sont protégés, que l'on ne peut isoler et qui souffrent de fortes déperditions énergétiques. Avec nos projets, c'est le smart grid, le réseau électrique intelligent, qui va procéder à la redistribution de l'énergie autoproduite non consommée, à travers une sorte de Facebook de l'énergie, où chaque copropriété prendra sa place sur l'échiquier de la décentralisation énergétique. La même logique prévaudra pour la production de fruits et légumes que l'on pourra cultiver sur des espaces spécialement destinés à cet effet sur nos immeubles, avec le développement de techniques comme la culture hydroponique. Pensez-vous pouvoir nourrir la population d'une ville à partir des fruits et légumes produits sur les immeubles de ce type? Il faut être pragmatique. Une ville qui nourrirait 100 % de la population avec une production exclusivement urbaine de fruits et légumes n'est pas imaginable. Personnellement, je suis plutôt sur une logique qui tenterait de trouver un équilibre entre une agriculture permettant de développer à la fois des biofuels de 3e génération (ndlr : où seule la partie non comestible est exploitée pour la production de carburants) et des cultures © Vincent Callebaut Architectures

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